La presse assurait que le CRS défendait sa vie face à un motard qui lui fonçait dessus, une vidéo prouve l’inverse.

Les campagnes médiatiques décrivant Nantes comme un coupe gorge se suivent et se ressemblent. Dimanche 30 novembre, le quotidien local Presse Océan écrit que «des CRS ont tenté de contrôler un motard au sud de Nantes. Le pilote ne s’est pas arrêté. Il aurait foncé sur les forces de l’ordre qui ont alors fait usage de leur arme».
L’information, d’abord au conditionnel, est reprise à l’affirmative dans les médias nationaux. Le Figaro titre par exemple : «Nantes : menacé, un CRS contraint de faire usage de son arme». Le journal de droite explique : «Un fonctionnaire de police a ouvert le feu, à deux reprises, sur une moto qui fonçait sur lui et refusait d’obtempérer. L’incident, qui s’est déroulé en milieu d’après midi, n’a fait aucun blessé». Le sujet alimente la surenchère visant à faire croire que la ville serait une capitale de l’insécurité.
Sauf que trois jours après, une vidéo est diffusée sur les réseaux sociaux, notamment par le célèbre compte Snapchat Cpasdeslol. Il s’agit des images de la caméra embarquée du motard qui a été visé par les tirs. Certes, on constate que le deux roues circule au-dessus des limites de vitesse en ville. Mais surtout, on aperçoit sur le coin de l’écran le policier qui se précipite sur la route. Non seulement il n’est pas sur la trajectoire de la moto, mais c’est bien ce CRS qui va à la rencontre du deux roues, au milieu de la circulation, et pas l’inverse. Au moment du passage de la moto, en ligne droite, au niveau de l’agent, deux détonations claquent. Le conducteur s’écrie : «Il a tiré ce fils de p***».
Le policier n’était aucunement menacé. Il a tenté d’abattre un motard en plein jour, sur une artère passante. Il a violé de nombreuses règles de base en se jetant seul, sans protection sur une route, sans barrière ni balisage. Il a mis en danger les automobilistes, le motard et lui-même. Beaucoup plus grave, il a tiré à balles réelles sans sommation vers un civil qui ne menaçait pas son intégrité. Et ces balles, n’ayant pas atteint leur cible, auraient pu terminer dans le corps de passants ou d’autres conducteurs. C’est n’est en aucun cas de la «légitime défense», mais un comportement qui met en danger tout le monde.
Ce n’est pas la première fois qu’un policier fait feu au milieu de la population sans réfléchir. Samedi 4 juin 2022, deux policiers à vélo tiraient une dizaine de munitions sur une voiture refusant un contrôle, en pleine capitale, au milieu des passants. Rayana, qui n’était que passagère, là par hasard, était morte sur le coup. En septembre de la même année, en plein après-midi, dans la ville de Saint-Ouen en banlieue parisienne, des policiers dégainaient leurs armes pour un «refus d’obtempérer», en plein milieu du trafic. Un agent tirait à deux reprises au milieu de la rue. Une des balles terminait sa course dans la vitre d’un bus de la RATP. Le bus était en service, avec des passagers. Une photo montrait alors l’impact : à un mètre près, une personne était tuée ou gravement blessée.
Ce tir policier à Nantes dimanche rappelle aussi une autre tragédie dans la même ville. En juillet 2018, un CRS tirait avec son arme de service dans le cou d’un jeune de 22 ans : Aboubakar, au volant de son véhicule, au milieu du quartier populaire du Breil. Le CRS avait d’abord assuré qu’il s’était senti «menacé», mais une vidéo avait démontré que le véhicule était à l’arrêt, et que le policier avait tiré alors que la victime avait baissé sa fenêtre. Le tireur avait finalement avoué avoir menti. Dans sa seconde version, il expliquait avoir commis un «tir par erreur». Aboubakar était mort pour rien. Comment expliquer un tir mortel, avec une arme à feu dotée d’un cran de sûreté, dans une zone vitale du corps, par erreur ? Le tueur n’a toujours pas été condamné.
En réalité, les policiers français sont devenus des fous de la gâchette. Jamais le nombre de personnes mortes lors d’interventions de police n’a été aussi élevé. Sous le règne de Macron, ce nombre s’est envolé : «Entre 2018 et 2024, on compte ainsi 272 morts tombés entre les mains de la police, soit près de 39 par an» compte le collectif Désarmons-les.
Et le nombre de victimes suite à des «refus d’obtempérer» ou prétendus comme tels ne cesse de monter. La police abat de plus en plus régulièrement les personnes qui ne se soumettent pas à un contrôle, depuis la loi de 2017 votée par le Parti Socialiste, qui «étend» la légitime défense et permet des tirs sur des véhicules en mouvement. Depuis cette loi, le nombre de tirs à balles réelles a explosé. Dès 2017, une note interne de l’IGPN s’inquiétait d’une «hausse significative de l’usage de l’arme à feu», avec une hausse de 65% en un an. Une tendance qui était confirmée dans un rapport de l’IGPN rendu en 2022.
Et cela ne fait qu’empirer. Rien qu’en 2024, 65 personnes tuées par l’action des forces de l’ordre ont été recensées. Un record. Cette violence est donc exponentielle, et dans l’écrasante majorité des cas les responsables ne sont pas inquiétés. Selon un décompte de Bastamag, depuis 1977, au moins 945 personnes sont décédées directement ou indirectement lors d’opérations policières en France, hors antiterrorisme. À Nantes, un jeune conducteur de moto ou un simple passant auraient pu rejoindre cette liste macabre dimanche dernier.
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