Un sans domicile fixe décède d’hypothermie à Reims la nuit de Noël, deux personnes meurent dans la rue à Nantes en moins d’une semaine

Un temps glacial persistant touche la France lors des fêtes de Noël cette année. Et pendant que la plupart d’entre nous passent les fêtes de fin d’année bien au chaud, l’injustice de ce monde continue de frapper les plus précaires.
À Reims, dans le Nord-Est de la France, la vague de froid a emporté une personne sans domicile dans la nuit du 24 au 25 décembre 2025. La découverte de son corps sans vie en dit beaucoup sur le niveau de barbarie de nos sociétés «démocratiques et libérales». Morgan Rose dormait à la rue, il est mort à l’âge de 35 ans. À Nantes, c’est le cadavre d’un homme de 30 ans qui a été retrouvé dans la nuit du 25 décembre, 4 jours après un autre décès survenu au nord de la ville.
Ces tragédies sont le fruit du capitalisme et de la répression des sans-abris impulsée par les gouvernements successifs depuis plusieurs décennies, notamment sous l’ère Macron. À l’échelle du pays, le Collectif les Morts de la Rue a recensé depuis janvier 2025 le macabre chiffre de 746 personnes décédées dans les rues française. Un record depuis le début des décomptes de cette association.
En 2017, en «bon communicant», le président de la République promettait aux français que plus personne ne dormirait à la rue «avant la fin de l’année». La mise en scène caractérisait déjà l’abjection des deux mandats à venir : on le voyait faire une maraude avec les services de secours, posant fièrement devant les photographes en train d’échanger avec des sans-abris mal protégé·es par des tentes de mauvaise qualité.
La dichotomie entre la communication et la réalité n’a pourtant jamais été aussi abyssale. Alors que, cette année encore, 350.000 personnes vivent sans domicile fixe en France, on ne compte pas moins de 2.381.302 logements vacants dans le parc privé, soit environ 7,2% du parc immobilier privé. Et les multi-propriétaires sont le cancer du logement pour tous : 3,5% des ménages possèdent plus de cinq biens immobiliers, et s’accaparent ainsi près de la moitié des biens en location ! Les politiques néolibérales ne font qu’aggraver ce constat.
Laisser des gens dormir à la rue est un choix politique
Pourtant, comme le martèle Médecins du Monde, «c’est un choix politique de laisser des personnes à la rue» dont il est tout à fait possible de se défaire selon le large consensus des professionnels du secteur. Très concrètement le péril de la rue, au-delà de questionner profondément la société dans laquelle nous souhaitons vivre, coûte largement plus cher que les politiques de réinsertion et de relogement qui permettraient d’éviter de compter les morts chaque année. En attendant l’expropriation des propriétaires et la juste répartition des logements entre toutes et tous, des solutions concrètes, immédiates et faciles à appliquer existent et ont d’ores et déjà été mises en places dans de nombreux pays.
Par exemple, les programmes «Housing First» ont été initiés dans des pays occidentaux depuis les années 1990, alors même que la France accuse un sérieux retard à ce sujet. Ils consistent à prioriser avant toute chose l’accès au logement, considéré comme la première étape pour un retour à la dignité. Et ils se sont révélées particulièrement efficaces en Finlande. Housing First y a été mis en place en 2008 et demeure un succès dix ans plus tard : le nombre de sans-abris a diminué de 35% et les quatre cinquièmes des personnes concernées par le programme parviennent désormais à mener une vie plus stable. En somme, des solutions existent, et ne sont tout simplement pas appliquées par nos gouvernants, trop excités par les échéances électorales.
Du reste, en France, il suffirait d’appliquer la «loi de réquisition» actée en octobre 1945, qui permet de saisir des logements vides pour mettre à l’abri les personnes en danger, pour régler une grande partie du problème. Les associations telles que Droit au Logement réclament depuis des décennies l’application de cette mesure. Mais pour la bourgeoisie, même respecter la loi quand elle va à l’encontre de ses intérêts n’est pas envisageable.
Au contraire, en juillet 2023, le gouvernement a pris une direction inverse en criminalisant, via la loi dite «anti-squat», les plus précaires. En durcissant les peines encourues pour des impayés de loyer, le projet de Guillaume Kasbarian, député de la frange la plus droitière de la macronie, a non seulement précarisé des milliers de famille qui parviennent difficilement à joindre les deux bouts, mais il a aussi placé une épée de Damoclès sur des centaines de lieux porteurs de valeurs alternatives. Ce séparatisme social qui ne dit pas son nom fait donc encourir des procès au pénal à des ménages, dans la droite ligne de la prison pour dettes, pourtant abolie en 1867.
Rachida Dati mène campagne sur le dos des sans-abris
À Paris, la récupération politique et le mensonge risquent d’entrer à la mairie de Paris. Dans le délire orwellien qu’est devenu le marasme politique français, Rachida Dati parvient encore à se démarquer. La candidate pour les municipales à Paris qui, ça ne fait pas de mal de le rappeler, est entre autres poursuivie pour corruption et trafic d’influence, mène sa campagne de façon ignoble.
Accompagnée de toutes ses équipes de com organisées en meute, vêtue d’un jean et d’habits de ville – l’ancienne ministre avait omis de déclarer 420.000 euros de bijoux à la Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique – déambule dans les campements de fortune des quartiers pauvres de Paris, et s’évertue à dénoncer le bilan d’Hidalgo. Comme l’a révélé Médiapart début décembre, les équipes de la candidate ont ainsi filmé puis publié sans leur accord des vidéos de personnes exilées vivant dans des tentes, sous couvert de dénonciation de l’insalubrité de la ville.
Dans des courriers adressés à la ville de Paris, plusieurs personnes filmées annoncent leur intention d’entamer des poursuites judiciaires. L’un d’entre eux pointe la manipulation organisée par la candidate. «Elle, Rachida, est venue me voir pour me parler. J’ai expliqué que je ne dormais plus ici et que c’était avant et qu’il valait mieux parler à d’autres. Elle a quand même voulu me parler et je ne me suis pas rendu compte que j’étais filmé», explique-t-il avant de terminer : «Je veux que la vidéo soit supprimée des réseaux sociaux et je ne veux pas apparaître, surtout que j’avais dit non».
Cerise sur le gâteau, Dati a fustigé le travail d’Utopia 56, association pourtant largement reconnue, l’accusant de «fournir des tentes. Ce type d’association veut faire exploser le système et ils vous amènent en bas de chez vous des gens qui n’ont rien à y faire». Elle a promis que, si elle est élue, dès que «quelqu’un s’installe, on enlève tout de suite». C’est-à-dire une chasse aux sans-abris.
Les puissants utilisent les plus pauvres comme un outil de marketing lors des élections, mais veulent qu’ils restent dociles et meurent sans protester le reste du temps.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.



