Un président détesté au bout de 4 mois de mandat. Des milliers de CRS qui se font porter pale les jours de manif. Des gendarmeries qui prennent feu. Le port de Rouen bloqué par les dockers. Les routiers qui menacent de paralyser le pays. Il y a décidément une drôle d’ambiance cet automne en France.
La veille du passage en force de Macron par ordonnances, des grèves et des manifestations sont organisées jeudi 21 septembre. À Nantes, dès l’aube, plusieurs actions sont lancées, notamment un péage gratuit au sud de la ville. Les lycéens aussi s’organisent, ici un petit-déjeuner, là-bas une tentative de blocus perturbée par la police ou des distributions de tracts. Comme la semaine dernière, à midi, un banquet réunit dans la rue syndicalistes, occupants de la ZAD et étudiants avant la manifestation. La foule s’amoncelle. Un cortège de 8000 personnes s’élance sur le cours des 50 Otages. Il y a un peu moins de monde dans la rue que le 12 septembre mais qu’importe : un cortège de tête, massif compact et dynamique sème des punchlines sur les murs.
De nouveaux secteurs se sont mis en grève. Des syndicalistes sont présents au côté de la jeunesse. La créativité est partout, sur les banderoles, les tags et les pancartes. Un petit mot circule de mains en mains et donne le sourire aux participants. Il est prévu d’aller murer le seul local de la République en Marche à Nantes : la permanence du député opportuniste François de Rugy, passé de l’écologie au vallsisme puis au macronisme, expert des trahisons en tout genre, président de l’Assemblée Nationale, unanimement méprisé. L’action est envisagée avec toutes les composantes de la manifestation, et est annoncée au micro de la CGT à la fin du parcours officiel. Une ligne de syndicalistes et de manifestants du cortège de tête s’engage sur le cours Olivier de Clisson. L’ambiance est électrique. Une ligne de gendarmes mobiles et de BAC vient au contact. Elle est emportée sur plusieurs dizaines de mètres par le flot qui s’avance. Pendant quelques secondes, la police semble dépassée.
Sans raison, un déluge de grenades en tout genre s’abat sur la foule. L’objectif parait être de séparer la jeunesse des syndicalistes. La BAC charge. Confusion. Corps à corps à l’avant, échanges de projectiles derrière. Le commissariat au milieu est pris pour cible. Comme souvent, le gros des manifestants ne prend pas part aux offensives mais ne se disloque pas non plus. Soutien tacite. À chaque fois que le cortège de tête tente de rejoindre la CGT – qui est en première ligne –, la police déchaîne sa violence. Le cortège est repoussé par les charges vers Hôtel Dieu, puis Gloriette où des conteneurs sont renversés. Pluie de lacrymogènes sur le parking. Après un moment de flottement, tout le monde se retrouve devant le square Daviais.
Malgré l’extrême violence des policiers et de nombreux blessés, il reste encore 2000 personnes. Les camions syndicaux ont tenu bon. Et puisque la permanence du député est inaccessible, le mur sera construit au beau milieu de la route, en plein cœur des flux de la métropole. Une chaîne s’organise joyeusement pour acheminer les parpaings et les sacs de ciment. La construction du mur est participative. Quelques instants plus tard, c’est un mur d’une quinzaine de mètres de long qui est érigé et immédiatement tagué dans la bonne humeur, sous le regard aussi impuissant que menaçant des forces de répression.
Des discours particulièrement enthousiastes et offensifs sont prononcés depuis les camions sono. Les constructeurs posent bras dessus bras dessous derrière la “muraille de la résistance” avant d’entonner l’Internationale. Un orateur avisé rappelle avec pertinence que cette journée marquée par l’alliance entre toutes les composantes du mouvement est précieuse, historique. Et il est vrai qu’elle fait furieusement penser au Mai 68 nantais, lors duquel ouvriers, paysans et étudiants ont pris la préfecture et géré la ville pendant plusieurs jours. Le moment de joie continue avec un apéro et un dancefloor improvisé sur l’asphalte. Une poignée de nazillons échappés de leur stade de foot et venus narguer la manif, est repoussée par des militants en chasuble. Bonne ambiance.
Mais l’hélicoptère réapparaît dans le ciel, un canon à eau est en approche. La préfecture a décidé de sonner la fin de la récréation. La BAC passe à tabac quelques jeunes au hasard un peu plus loin, avant de lancer des grenades de désencerclement. Les gendarmes chargent et le char d’assaut des CRS s’attaque au mur. La plupart des manifestants ont déjà quitté les lieux. Le camion de l’Union Locale CGT Sud Loire est alors attaqué par la police. Certains de ses occupants sont sortis, tabassés et interpellés. Il faut faire payer à ces syndicalistes le moment d’unité qui vient de se produire. Cinquante personnes se réuniront en soutien devant le commissariat et seront à nouveau chargées.
Ces représailles pathétiques n’entament en rien la force de cette journée qui marque une progression importante dans la lutte à Nantes et une construction concrète du rapport de force. On se quitte en se promettant des rendez-vous très bientôt.
Au total, au moins 11 personnes ont été arrêtées et plusieurs blessés sont à déplorer, dont deux touchés au visage par des munitions policières.
Prochains Rendez-vous :
- Samedi 23 septembre, 8h, au bureau de Saint-Herblain en grève depuis 12 jours avec le réseau de ravitaillement. Arrêt de tram Neruda, ligne 1.
- Lundi 25 septembre, 4h30, blocage du rond point d’accès à la raffinerie de Donges avec les routiers.