Un château fort surplombé par un poulet rôti au visage du ministre de l’Intérieur, à côté d’une effigie de Macron de plusieurs mètres de haut. Des hôtesses de l’air anti-aéroport, et des masques de toutes les formes et de toutes les couleurs. Un héron suspendu en l’air. Des masques de hiboux, en soutien aux occupants de Bure. Des kilos de confettis propulsés par des canons artisanaux. Une batucada qui bat le rythme de la manifestation. Le crépitement des feux d’artifice et des fumigènes sans interruption. Un avion qui crache un épais panache de fumée noire autour du cortège, avant de s’écraser sur l’asphalte. Des gendarmes en surnombre, colorés par des impacts de peinture. Quelques chasubles rouges de la CGT. Le président du carnaval, en costard, écharpe tricolore et cagoule. Les résistances présentes et à venir convergent.
Une atmosphère festive et créative s’est invitée les rues de Nantes, samedi 24 février. Comme lorsque la puissance du mouvement anti-aéroport ou l’imaginaire du cortège de tête déferlent dans la ville. Une énergie qui fait sourire les passants, ou pousse un badaud à applaudir le cortège, et à rejoindre le carnaval. Mais avec près de deux policiers par manifestants, avec un hélicoptère, des matraquages et des tirs de grenades gratuits, la fête a été gâchée par la police. Avant même le départ du défilé, plusieurs arrestations particulièrement violentes et gratuites avaient déjà été commises.
Face aux sourires, à la musique et aux créations, la police n’a fait que frapper, arracher les banderoles, voler les chars, enfermer des manifestants, asphyxier des passants, nasser des militants. Un régime prêt à déployer plusieurs centaines d’hommes armés pour écraser un défilé caravalesque à Nantes, ou à envoyer 500 gendarmes pour déloger quelques cabanes dans la Meuse, est un régime qui touche à sa fin.
Organiser un carnaval est une tentative de dépasser les rituels répétitifs des manifestations classiques, et de surprendre le dispositif répressif. Ridiculiser la police est un objectif largement atteint par cette journée. Mais les marges de liberté pour défiler à Nantes sont à présent quasiment réduites à néant. La police mène une guerre de territoire, par la terreur. L’enjeu des semaines qui viennent sera d’enrayer ensemble la volonté du pouvoir d’étouffer préventivement toute révolte.