Dans une pièce de théâtre, le cinquième acte est le dernier : celui du dénouement, de la conclusion. Pour le cinquième acte du mouvement des Gilets Jaunes, le gouvernement semblait prêt à tout pour en finir avec la contestation. Quitte à forcer le destin.
Après une semaine de chantage intensif sur fond d’antiterrorisme, de répression implacable des lycéens, le pouvoir a déployé près de 100.000 policiers et de nombreux blindés, organisé le blocage des trains et bus transportant des manifestants, d’innombrables fouilles, la confiscation du matériel de protection. Et enfin l’écrasement physique des incorrigibles qui persistaient à protester. Le scénario de cet acte était écrit à l’avance, avant même le 15 décembre : le mouvement s’essouffle.
À Nantes, par une météo toujours aussi exécrable, sous des averses glacées ininterrompues, plus de 3000 personnes ont rejoint l’appel à se retrouver à 13h à la croisée des trams, au cœur de Nantes. Il fallait du courage pour manifester les pieds trempés, encadré par des centaines de policiers, après avoir été fouillé parfois à plusieurs reprises par les barrages de police. Mais il y avait encore du monde.
Au bout de quelques centaines de mètres, la police bloque le cortège devant la préfecture, comme la semaine passé. Le droit de manifester, déjà drastiquement restreint ces dernières années semble avoir été aboli pour de bon à Nantes. Quelques Gilets Jaunes, pleins de bonne volonté, s’avancent alors pour lâcher quelques ballons jaunes et blanc, «en signe de paix», devant une ligne de boucliers. Déluge de lacrymogènes. Charges. Blessés. Entre deux salves, on brûle de grandes cartes électorales. C’était l’action symbolique qui devait avoir lieu devant la préfecture.
L’ensemble du cours des 50 Otages est saturé d’un brouillard épais, asphyxiant, qui ne se dissipe pas dans l’air humide. Ce sera le début d’une stratégie de guerre chimique qui durera jusqu’à la nuit : tout le centre et l’ouest de Nantes noyé par des centaines et des centaines de grenades. Il y aura plusieurs tentatives pour percer le dispositif, notamment l’avancée vaillante et très déterminée de manifestants dans le quartier Bouffay, qui feront reculer la police de plusieurs centaines de mètres, un début de barricade à quelques pas du Marché de Noël, ou encore un groupe qui atteindra la mairie, pourtant hyper sécurisée, et allumera une barricade rue de Strasbourg avant de s’éclipser. Mais à chaque fois, la répression réussira à contenir le gros du cortège dans cette nasse géante et suffocante, canardée en continu.
Quelques centaines d’éléments déterminés seront repoussés peu avant la nuit vers le Quai de la Fosse, où plusieurs barricades seront allumées. Ici encore, un feu nourri de grenades lacrymogènes met en panique les voitures et les habitants. À Chantier Naval, une voiture de la mairie est incendiée. Et le cortège part au pas de course vers les quartiers bourgeois. Quelques barricades, des voitures de luxe et une boutique Lacoste sont cassées. Pendant ce temps, des Gilets Jaunes déguisés en père Noël ont réussi l’exploit d’atteindre l’hôtel de luxe Radisson Blu, dont les façades sont taguées.
La cavalerie finit par reprendre les rues commerçantes : nouveaux gaz autour des sapins illuminés et du Marché de Noël. Des vendeurs sortent de leurs chalets pour protester : ils sont à leur tour copieusement gazés en plein visage par des policiers en roue libre. Pas de quoi améliorer les relations entre les petits patrons et l’État. Le Marché sera évacué.
Il fait nuit et les forces de l’ordre sont partout. Elles ratissent tout le centre-ville. La journée semble terminée mais on annonce l’ouverture d’une Maison du Peuple à Saint-Herblain.
«Ce sera un lieu de rassemblement, d’échange et d’organisation régi par des règles communes», il se situe au centre AFPA, 23 rue de la Rivaudière à Saint-Herblain. Les occupants et occupantes ont des besoins pour aménager le lieu, notamment des meubles – chaises, canapés, matelas… – de la vaisselle et de quoi communiquer – tableau, vieil ordinateurs…
N’hésitez pas à passer, il y a besoin de soutien !