Le grand dédain national


Village bunker, répression, provocations


Isolé, détesté, enfermé depuis des semaines dans son palais de l’Élysée, Macron ne prenait pas de grands risques à choisir un village normand de 3000 habitants pour lancer son «grand débat national» : Bourgtheroulde.

C’est donc dans une commune fantomatique, totalement déserte, aux commerces fermés, aux rues bouclées par des centaines de policiers et survolées par des drones que le Roi avait décidé de mettre en scène son «échange» avec le bon peuple. Un «grand débat» sans peuple : un monologue.

Macron privatise et militarise chaque endroit où il se déplace. Dans tout le département, les manifestations étaient interdites sur décret préfectoral. Un air d’état d’urgence. En ce jour de débat, les rares personnes qui s’aventurent à enfiler un gilet jaune dans les parages sont menacées de recevoir une amende. Des reporters indépendants sont encerclés et contrôlés par la police. Le média alternatif «Rouen dans la rue» est supprimé d’internet. Des cordons de gendarmes entourent tout le village.

Pendant 7 heures, les chaînes de télé retransmettent en direct le show de Macron devant un parterre de vieillards. Le roi devant 600 maires normands en guise de courtisans hilares, suspendus aux vannes et aux «éléments de langage» calibrés des communicants. Une mise en scène à mi-chemin entre un spectacle de télé-réalité et un meeting de campagne en vue des élections européennes.

Le président se livre à son exercice favori : humilier les pauvres, en déclarant, mort de rire, que les plus démunis «déconnent». L’exercice, pathétique, sera encensé par les chroniqueurs le soir au JT, pendant qu’autour du village de Bourgtheroulde, les habitants reçoivent des grenades lacrymogènes et des coups de matraques. L’écart entre la réalité et ce qui est donné à voir dans les médias atteint un tel niveau que tous les artifices du monde ne font plus illusion.

Nous vous épargnons de lire la «lettre aux français», diffusée dans le cadre de ce débat. Elle est longue et indigeste. En voici les grandes lignes :

  • Il n’y aura «pas de tabou», mais on ne parlera ni de l’ISF, ni des salaires, ni des pensions des retraites. Bref, on parlera de tout, sauf de droits sociaux et de partage des richesses. De tout, sauf de l’essentiel.
  • Il faut faire des économies, écrit Macron. Il propose donc tout à fait sérieusement aux français de lui dire quels services publics il doit liquider en premier. Chantage ou manipulation ?
  • Parmi les «grands thèmes», le gouvernement met en avant les questions de «laïcité et d’intégration». Une façon «républicaine» de dire qu’il autorise à taper sur les immigrés et les musulmans. Alors que la révolte en cours avait permis, enfin, de mettre en avant les questions sociales, ce grand débat doit permettre aux médias et à la classe politique de revenir à leurs obsessions classiques.

Pour discréditer les Gilets Jaunes, le pouvoir a tout fait pour assimiler la colère sociale qui secoue les rues à un mouvement de beaufs racistes bloquant des ronds-points. Ainsi, le gouvernement prétendait être un rempart à l’extrême droite. Pourtant, c’est bien Macron lui-même qui remet au cœur du débat les divisions xénophobes. C’est Macron lui-même, en expulsant des milliers d’exilés, en maltraitant les réfugiés, en militarisant sa police, en interdisant toute contestation, qui applique ici et maintenant les idées portées par l’extrême droite.

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