Réfugiés à Nantes : jour de deuil et de colère


Un occupant du gymnase Jeanne Bernard retrouvé mort ce matin. S’en sont suivis des affrontements avec la police qui n’ont pas voulu que ses proches se recueillent auprès de son corps.


Saint-Herblain, à l’ouest de Nantes. Depuis des mois, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants survivent dans des conditions inimaginables, dans un gymnase.

Leur nombre ? Impossible de le chiffrer exactement. Sans doute plus de 800. Des tentes sont installées en rang serré dans le bâtiment, et débordent sur l’extérieur. Des cabanes ont été construites. Les gens vivent entassés dans l’insalubrité. Des conditions indignes, et dangereuses alors que l’hiver arrive.

Ce jeudi 3 octobre au matin, un homme est retrouvé mort dans le gymnase. Un trentenaire.

«Il est sûr que les conditions de vie [dans le gymnase] ont participé à son décès» nous explique une bénévole.

Il était dans sa tente et a été retrouvé en arrêt cardio-respiratoire à 6h du matin. Les pompiers n’ont pas pu le réanimer.

La tristesse, la colère.

Des bruits courent. Le défunt, Omar, aurait été interpellé par la police et aurait reçu une piqûre de calmant la semaine passée. Quoiqu’il en soit, cet homme venu du Tchad pour trouver une vie meilleure en France n’a rencontré que l’abandon et la mort.

Des dizaines de policiers, certains cagoulés, en tenue de maintien de l’ordre, débarquent peu après pour «sécuriser la zone» et emmener le corps.

Les autres habitants du gymnase sont encore sous le choc, pleurent leur camarade, certains font des prières. «Le climat s’est vite tendu. Les gars leur hurlaient que la police était raciste. Les policiers, ne voulaient pas que ses amis restent avec le corps».

Une fois les pompiers partis, la police reste.

Les esprits s’échauffent. Gaz lacrymogène, feu de poubelles. Les agents nassent certains occupants, tirent plusieurs balles en caoutchouc, et des grenades de désencerclement.

Un jour de deuil particulièrement lourd.

Un feu est rallumé quelques heures plus tard. «La police est revenue en force et, à 18h30, certains se sont fait embarquer, pendant que les personnes venues en soutien ont été éloignées», raconte la jeune femme.

Dans l’après-midi, la maire de Nantes Johanna Rolland fait une interview pour exprimer sa «colère». Pourtant, c’est elle qui avait demandé l’expulsions d’un bâtiment vide dans le centre-ville à l’automne 2017. Puis elle qui avait demandé l’expulsion du square Daviais, où des tentes avaient été plantées, évacué deux fois par des dizaines de CRS, puis fermé par des grilles pendant des mois.

Peu après, un autre square au sud de la ville était expulsé à son tour, et le sol martelé par des engins de chantier pour éviter toute réoccupation. À chaque fois, la mairie avait installé des vigiles et des barrières. C’est dans ce contexte d’errance que les exilés avaient échoué dans ce gymnase.


«Elle aurait pu prendre la décision de loger les gens elle aussi»


Quelles perspectives pour les centaines d’exilés laissés dans le désespoir ?

«L’avenir dans les luttes, des exilés, c’est peut-être le mouvement des Gilets Noirs qui essaie de se lancer sur Nantes. Que les exilés eux même luttent changera peut-être les choses. Aujourd’hui beaucoup l’ont dit : on a perdu un frère, on a plus rien à perdre».

Les habitants ont toujours besoin de soutien, si vous pouvez aider, écrivez à L’Autre Cantine Nantes (page Facebook ici) ou au groupe Le CRAN – Comité de Réquisition et d’Action Nantais (page Facebook ici)

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