Nantes, manif du 24 Janvier : 50 nuances de bleu


10.000 dans la rue. Dispositif répressif paralysant. Retrouver un second souffle.


Cela fait plus de 50 jours que des millions de personnes sont en lutte contre la casse des retraites. Près de deux mois que tous les jours, il y a des grèves, des blocages, des danses, des marches au flambeaux ou des sabotages. L’immense majorité de la population soutient cette colère et souhaite le retrait du projet. Mais le gouvernement, inflexible, n’a pour l’instant répondu que par la grenade lacrymogène et le mépris. En attendant que la fatigue et la résignation tuent le mouvement.

Ce vendredi, au lendemain d’une marche aux flambeaux réussie, 10.000 personnes répondent présent au rendez-vous à Nantes. Le cortège s’élance dans un froid humide, et une ambiance assez terne. À l’avant, un cortège de tête investi par la jeunesse : plusieurs lycées et l’université de Nantes ont été bloquées à l’aube. Il y a du monde dans les rues, mais il manque l’énergie et la créativité des premiers jours de décembre. Et pour ne rien arranger, devant la rue Fourré, un énorme dispositif de gendarme attend d’encercler le cortège.

À partir de là, il n’y a plus vraiment de manifestation, mais une nasse géante. La foule est encerclée sur plusieurs dizaines de mètres, par des gendarmes au corps à corps, qui sont souvent au contact des banderoles, montrent du doigt, menacent. Nous sommes ici sur un registre singulier du maintien de l’ordre. Il n’y a pas de violence, pas de charges désordonnées, pas de hurlements. Le dispositif est tellement massif, l’espace tellement militarisé que tout le monde a peur. Tout acte de désobéissance est dissuadé d’avance. La force n’intervient pas, elle se manifeste.

Malgré tout, quelques déguisements drôles, quelques belles banderoles, des fleurs et des pancartes bien trouvées égaient la marche. Le cortège enseignant est très dynamique. Une ligne de gendarme est forcée à Bouffay. Quelques œufs de peinture atterrissent sur des boucliers. Mais globalement, le parcours reste assez maussade : l’espace «autorisé» se réduit chaque semaine un peu plus. Il est désormais interdit d’emprunter le cours Saint Pierre, et dans les rues les plus étroites, les gendarmes occupent plus de place que les manifestants.

Pour la première fois depuis très longtemps, pas un tag, pas un slogan poétique sur les murs. Puisque Nantes concentre manifestement une grande partie des uniformes du grand ouest, on imagine que d’autres villes, moins bunkerisées, peuvent en profiter…

Lors d’une incursion sur le Cours Saint-Pierre, les gendarmes paniquent, reculent en courant, puis finalement noient l’espace de gaz lacrymogène. Ce sera le seul moment de tension, vite retombée. Les manifestants entament tout de même un second tour, plus anxiogène, puisque le nombre de manifestants se réduit, et qu’il y a bientôt plus de forces de l’ordre que de contestataires. Le défilé finit au miroir d’eau, dans une grande nasse face à un canon à eau, où tout le monde doit être fouillé.

La répression n’est pas la seule cause du manque de dynamisme. À l’avant de la manifestation, peu de slogans, peu d’initiatives. Lassitude ? Résignation ? Manque de forces vives ? Le «cortège de tête» semble devenu inopérant dans cette configuration. Il s’agit d’imaginer d’autres formes.

Plus tard, une action de solidarité avec les gréviste sera organisée à la Maison des Syndicats. La CFDT sera redécorée. Et une Assemblée de Lutte se tiendra Place du Bouffay.

Les secteurs les plus investis, épuisés par plus d’un mois de grève, ont du passer le relais. Les défilés répétitifs ne font presque plus parler d’eux. Les médias propagent un sentiment de défaite. Pourtant la colère est là. Il n’y a jamais eu autant de petites initiatives, de résistances locales, d’actions décentralisées. Paradoxalement, le mouvement est de plus en plus soutenu, mais il y a moins de monde dans les rues.


Faut-il accélérer le tempo ? Se retrouver tous les soirs de la semaine dans la rue, après les heures de travail, pour des marches aux flambeaux ? À suivre.


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