Alors que le grand procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher démarre, une partie de l’affaire est restée largement en-dessous des radars médiatiques : certains djihadistes ont été armés par un militant néo-nazi lillois connu, qui travaillait avec des forces de l’ordre.
Claude Hermant est un néo-nazi vivant à Lille, et propriétaire d’une friterie qui sert aussi de lieu de ralliement pour l’extrême droite violente. Il a été membre de la sécurité du Front National, a mené des missions de barbouze en Afrique avant de devenir chef des identitaires lillois et trafiquant d’armes. Cet individu est parfaitement connu des autorités, et livrait régulièrement des «informations» à ses contacts dans la police.
Au total, l’indicateur néo-nazi se serait procuré 173 armes allant du pistolet automatique à la kalachnikov. Hermant recevait des armes en provenance de Slovaquie qu’il remilitarisait lui-même. Plusieurs d’entre elles ont été utilisées par Amedy Coulibaly au cours de l’attentat terroriste dit de l’Hyper Cacher, faisant quatre morts.
Quelques jours après les attentats de janvier 2015, il est convoqué pour un interrogatoire. Il appelle un agent avec qui il travaille. C’est en allant le rejoindre qu’il est arrêté. Dans son véhicule : 12.000 euros en liquide et deux pistolets, calibre 22. Au cours des perquisitions, les policiers mettent la main sur d’autres armes : deux carabines, un fusil de chasse, deux pistolets, des pistolets automatiques, plus de 2000 cartouches de différents calibres. Et une carte de police avec la photo de Claude Hermant !
Une fois arrêté, il annonce immédiatement, pour se protéger, qu’il est indic auprès des douanes puis de la gendarmerie. Pour leur compte, il pratique «l’infiltration». Dès 2014, la police judiciaire est au courant qu’Hermant est impliqué «dans la revente d’armes à feu sur la région Nord Pas de Calais». Entre le 13 août et le 23 octobre 2014 six lots d’armes, soit 84 pièces, ont été livrés. Mais la gendarmerie continue de l’utiliser comme indic. En janvier 2015, quelques jours avant les attentats, la douane de Lille est informée qu’un colis en provenance de la société slovaque AFG doit être livré à la famille Hermant. Il contient 6 fusils d’assaut, 6 porte-chargeurs et 24 chargeurs.
Mis en examen après les attentats, le vendeur d’armes explique aux juges qui l’interrogent sur ses liens avec les douanes, qu’il est «spécialiste du renseignement», «c’est mon dada, mon hobby». Le premier contact, «c’était au début des années 2000». Au cours de ses auditions, Hermant explique être un indic de haut vol : il note les plaques minéralogiques, pose des caméras. «Je ne travaillais pas seul, je me servais d’éléments extérieurs». Par exemple d’autres militants d’extrême droite qu’il envoie en «infiltration». Il balance fréquemment ses clients après leur avoir vendu des armes, et parfois, empoche des primes de plusieurs milliers d’euros pour ses services. Il s’agit donc «d’incitation [à commettre un délit] ce qui est interdit en France», commente un avocat consulté à ce sujet.
Hermant donnera lors des auditions les petits surnoms des fonctionnaires de police et des douanes avec qui il travaillait. Il balance même aux juges les pratiques de ripous : «ils ont eu tous les renseignements nécessaires jusqu’au clash, on travaillait sur une cible qui écoulait 4 à 6 kilos de cocaïne sur Lille et on s’est aperçu qu’il allait régulièrement chez un douanier de Lille prénommé Guy pour des barbecues. Apparemment, il y avait 6 douaniers impliqués dans ce trafic de cocaïne. Après cette affaire, j’ai été black-listé». En 2013, Hermant est rayé du fichier des douanes. Il bascule sur les listings de la gendarmerie.
Avant les attentats, l’intermédiaire des djihadistes et le néo-nazi se rencontrent dans la friterie d’extrême droite. «Il voulait des armes lourdes, des explosifs», dira Hermant devant les enquêteurs. L’acheteur concédera avoir accepté 15 de ses armes. Claude Hermant raconte la transaction aux gendarmes. Hermant balance aussi un de ses employés, un néo-nazi appelé Denevi : «Denevi, dans son délire de reconstruction de la race blanche, avait récupéré une dizaine de mines papillon et il voulait les poser dans le Bois de Boulogne [un espace vert à Lille]». Ce néo-nazi sera arrêté en 2016, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international.
Il tentait de vendre, dès 2012, des bombes artisanales à plusieurs amis, proches de l’extrême droite radicale. Cette même année, il sonde ses contacts en Serbie dans le but de se procurer des kalachnikovs.
En 2019, Hermant écope de 8 ans de prison et de 5 ans d’interdiction de port d’arme pour trafic d’armes. Une autre question reste sans réponse : où sont passées les armes qui n’ont pas été vendues à Amedy Coulibaly ? Kalachnikovs, pistolets automatiques… plus de 160 pièces demeurent introuvables.
Derrière l’affaire Hermant et ses conséquences sanglantes, c’est tout un univers crapoteux fait de liens entre forces de l’ordre et nazis armés, de délations, de services rendus, de porosité entre mafieux, police et extrême droite et de violences.
Cet article et l’illustration sont issues du grand travail de StreetPress :
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