Un confinement qui ne dit pas son nom


Les annonces de Macron : restrictions partout, santé nulle part


Si Macron n’a pas utilisé le terme de confinement, les mesures annoncées hier soir y ressemblent franchement. Les écoles ferment à partir de vendredi, mais les cours seront en distanciel. Il est prévu que la dernière semaine d’avril, les primaires (maternelles et élémentaires) retournent à l’école, mais les collèges et lycées resteront en distanciel. Les déplacements de plus de 10 km doivent être justifiés. Les déplacements interrégionaux sont interdits à partir de mardi 6 avril. Les commerces non essentiels seront fermés à partir de samedi. Le couvre-feu est maintenu de 19h à 6h.

Le Président a renoncé au dispositif des attestations obligatoires pour chaque déplacement. En fait, une attestation est bien demandée pour les déplacements interrégionaux et pour les déplacements à plus de 10 km du domicile. Mais pas pour les déplacements à moins de 10 km. Très bon communicant quand il le veut, Emmanuel Macron a précisé que cette décision était motivée par le fait de ne pas contraindre les français.e.s, et de ne pas se baser sur quelques «comportements irresponsables» pour imposer des restrictions insupportables à toutes et tous. Un tel altruisme est si émouvant…

En réalité, d’une part, imposer une attestation pour chaque déplacement quand un certain nombre de commerces restent ouverts n’a un sens que très limité voire parfaitement nul. D’autre part, le Conseil d’État, le 22 décembre dernier, a estimé que n’importe quel document justifiant le déplacement pouvait être produit, il n’y a donc pas besoin de l’attestation produite par le gouvernement, tout document justificatif suffit. Macron n’a donc fait que s’adapter aux réalités…

Nous voilà donc bloqué.e.s dans nos déplacements pile au moment où les beaux jours arrivent. La situation sanitaire doit être prise au sérieux. Il n’est pas question de nier l’existence du virus ni le problème de santé publique qu’il représente. Mais voilà plusieurs semaines que le gouvernement joue avec nos nerfs, en affirmant que plus jamais il n’y aura de confinement, que la fermeture des écoles n’est pas envisageable, mais qu’il va falloir prendre des décisions difficiles, que les français vont devoir faire un effort… Et nous voilà finalement à peu près confiné.e.s !

Dans le même temps, depuis un an, absolument rien n’a été fait pour revoir les structures de santé publique. Les capacités d’accueil des hôpitaux n’ont pas été augmentées ; elles le seront en cas de besoin, mais ce n’est qu’un pansement fragile. Le personnel hospitalier n’est toujours pas en nombre suffisant pour assurer sereinement sa mission de soin. La médecine de ville est toujours aussi saturée, de très nombreuses personnes n’ont même pas de médecin traitant et renoncent tout simplement aux soins. Les EHPAD sont devenus des mouroirs où nos ancien.ne.s paient très cher et partent seul.e.s, faute de personnels et de moyens.

Le «trou d’la sécu» est imputé aux gens qui vont se soigner et aux pauvres qui n’ont pas les moyens de se payer une mutuelle onéreuse, et justifie les coupes budgétaires dans la santé. Ce ne sont pourtant pas les pauvres qui ont plombé la sécurité sociale (à ce sujet, voir notre dossier en source ci-dessous). Toutes les structures publiques sont abandonnées par l’État petit à petit (hôpitaux, CMP…), la santé est privatisée.

En d’autres termes, les mesures de restrictions ne sont prises que parce que l’État libéral et capitaliste ne se préoccupe pas de construire des structures de santé publique accessibles, cohérentes, et qui prennent vraiment en compte les besoins médicaux et sociaux de la population.

Par ailleurs, l’ensemble des mesures prises servent aussi à un contrôle social pesant. Ces dernières semaines, nous avons assisté à une déferlante médiatique haineuse contre les personnes qui se rassemblaient pour faire la fête, que ce soit en privé ou en plein air. Ce ne sont pourtant pas elles qui sont responsables de la privatisation de la santé ni de la casse des services publics.

Or, pour obtenir certaines revendications politiques, comme un accès aux soins médicaux et sociaux pour toutes et tous, un véritable service public de la santé, ou encore une sécurité sociale universelle telle qu’elle a été conçue par les Résistant.e.s, entre autres, il faudra bien se rassembler, manifester, crier, et se battre. N’attendons pas un hypothétique «monde d’après». Nous sommes déjà dans le monde d’après.


Construisons des ponts, des résistances, des endroits de vie et de lutte, pour refuser ce monde de mort dans lequel on s’engouffre.


Une journée de mobilisation pour le droit à la santé aura lieu le 7 avril prochain.

Quelques sources pour aller plus loin :

«La casse du siècle. À propos des réformes de l’hôpital public», de Pierre-André JUVEN, Frédéric PIERRU et Fanny VINCENT

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