Tous en prison ? La police veut envoyer derrière les barreaux sur demande


Nouvelles pressions sur la justice et manifestations armées de forces de l’ordre radicalisées


L’affaire fait la Une de la presse dominante : des policiers avaient été blessés à Viry-Chatillon, en banlieue parisienne, en 2016. Les «attaquants» présumés passaient en procès la semaine dernière, certains prenaient de très lourdes peines de prison, d’autres étaient relaxés tellement le dossier était vide. Depuis ce jugement en appel, c’est la surenchère médiatique, la course à la répression la plus dure possible.

Le politicien de droite Xavier Bertrand réclame une peine minimale d’un an d’enfermement pour la moindre infraction à l’encontre de la police : «si ce que je propose était en place, il n’y aurait pas pu avoir d’acquittement». Cet ami de nombreux repris de justice, dont Nicolas Sarkozy, est appuyé par le syndicat d’extrême droite Alliance. Un avocat des agents pleurniche sur «un naufrage judiciaire» et les syndicats de police hurlent sur toutes les chaînes contre un «verdict incompréhensible» et une décision «choquante» et «écœurante». Quant à Darmanin, ministre accusé de viol, il va tout simplement recevoir les policiers concernés la semaine prochaine.

Vous l’avez compris : le lancement non-officiel de la campagne présidentielle a démarré en fanfare sur le thème de la répression, et la police compte bien peser sur le scrutin. Pour la classe politique, les médias, des peines de 6 ans à 18 ans de prison ne sont pas assez élevées à leurs yeux. C’est désormais une habitude : la police, État dans l’État, conteste une décision de justice. Justice pourtant systématiquement de son côté.

Du côté des avocats des accusés, le discours est un peu différent. Ils ont découvert des «pratiques policières inadmissibles, inqualifiables», qui prennent la forme de «faux en écriture» ayant amené l’un des jeunes acquitté en première instance et en appel à passer plus d’un an en prison. L’avocate de ce jeune va porter plainte pour «faux en écriture» et saisir l’IGPN. Pourtant, on n’entend que les forces de l’ordre radicalisées. La parole des acquittés est inaudible, celle de leur avocat à peine moins.

Si 8 prévenus ont été acquittés, c’est peut-être tout simplement qu’ils sont innocents. Ce n’est pas la première fois que des faux en écriture venus d’agents assermentés atterrissent sur le bureau des juges. Si les peines sont différenciées, c’est peut-être parce que la cour d’Assises a considéré que la responsabilité de chacun des accusés est différente. Le vrai scandale de cette affaire, c’est que plusieurs personnes aient passé des mois en détention sans procès et sont aujourd’hui innocentées. Tout sauf une «justice laxiste».

Pas une semaine ne passe sans un éternel couplet, matraqué jusqu’à l’écœurement, sur les présumées «peines trop légères», «impunité des délinquants», ou le «manque de moyens de la police». En clair, les syndicats de police sont les inquisiteurs contemporains : ils réclament la suppression des procès. Le simple fait que la défense ait des droits les dérange. Retour au Moyen-Age : il faudrait enfermer quiconque sur simple demande des forces de l’ordre.

Rappelons et répétons que les policiers responsables de la mort d’une personne ne sont quasiment jamais inquiétés. Que les agents qui ont provoqué la mort de Steve il y a deux ans et d’Aboubakar il y a trois ans à Nantes bénéficient d’une impunité totale. Les policiers mutileurs également. Que cette police est surarmée. Même Amnesty International tacle la France au sujet de sa politique de respect des libertés. Que le nombre de personnes détenues en France est en augmentation constante depuis plus d’une décennie, dépassant même le nombre de places en prison disponibles, et que les gouvernements construisent de nouvelles taules partout. Preuve de politiques pénales de plus en plus dures et d’une augmentation du nombre de personnes en détention provisoire, donc présumées innocentes en principe.

Que dire encore du nombre de personnes condamnées pour des outrages et rébellions sur la seule parole de la police ? Chaque année, ce sont des milliers de condamnations pour ces délits qui reposent uniquement sur la déclaration d’un flic sans autre preuve. Demain, tous en prison ?

La police s’est constituée en force autonome. Elle sait que le gouvernement ne tient que par elle : c’est la constitution d’un État dans l’État. Il faut s’attendre à de nouvelles manifestations illégales et armées de forces de l’ordre, et à de nouvelles étapes dans la pénombre autoritaire.


Sources :

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