Les frontières tuent


L’Europe et la Libye ont sciemment laissé un bateau couler en méditerranée avec 130 personnes à bord


Des cadavres par dizaines. Hommes, femmes, enfants. Ils cherchaient à fuir les conditions de leur pays et sont tous et toutes morts noyés jeudi, dans la mer Méditerranée. Pourtant, ils auraient pu être sauvés. Un pêcheur Libyen avait donné l’alerte dès mercredi matin lorsqu’il a aperçu la frêle embarcation en difficulté. En recevant les informations, les associations de secours aux migrants ont appelé à l’aide les pays européens et la Libye à de nombreuses reprises. Ni les Libyens, ni les Européens n’ont envoyé d’aide. L’agence européenne des garde-frontières s’est contentée d’envoyer un avion en reconnaissance sept heures après la première alerte et de renvoyer la balle aux garde-côtes libyens. Mais ces derniers n’ont pas bougé non plus et les européens ont regardé 130 migrants se noyer, depuis un avion. Aucun survivant n’a été retrouvé.

Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes s’est justifiée en imputant le drame aux «mauvaises conditions météorologiques». Mais ces morts ne sont pas un accident : c’est le résultat de l’inaction délibérée des gardes-frontières européens et Libyens. C’est un massacre conscient. Les responsables sont des criminels.

Le silence après cette tragédie est assourdissant et tout aussi révoltant. Des dizaines de morts dans l’impassibilité la plus totale, comme si ces personnes ne valaient rien aux yeux des occidentaux. En réalité c’est le cas, et depuis des années. Depuis 2014, plus de 15 000 personnes sont mortes sont mortes en Méditerranée. La très grande majorité viennent de pays dévastés par la misère et la guerre : Syrie, Somalie, Erythrée, Soudan…

Pendant que le monde délivre des visas à la chaîne pour les occidentaux et les grands évènements mondiaux, des milliers de personnes sont mortes et continuent de mourir dans l’indifférence. C’est par exemple le cas pour les JO, maintenus à Tokyo cette année sans savoir que parmi les athlètes, certains ont pu risquer leur vie pour y participer. C’est le cas de Samia Youssouf Omar, sprinteuse somalienne qui a participé aux JO de Pékin en 2008.

Chétive silhouette qui a couru loin derrière les corps massifs des athlètes surentraînées, elle s’était promis de faire mieux en 2012 à Londres. Malgré son parcours, elle n’obtient pas de visa alors qu’elle avait une invitation d’entraîneurs pour se préparer avant les JO. Elle tente alors de rejoindre Londres par les filières clandestines. Mais elle n’y est jamais arrivée. Sa disparition ne fut relayée par les médias que plusieurs mois plus tard, parce que son ami a demandé aux journalistes des JO, la voix tremblante de rage et de tristesse «Savez-vous ce qu’est devenue Samia ?!». Personne n’a su répondre. Samia s’est noyée en méditerranée un mois d’avril. C’était il y a 9 ans, elle avait 21 ans.


Les frontières tuent. L’Europe tue.
Pour Samia et tous les autres : Feu aux frontières !


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