Viry-Châtillon, scandale d’État : enquête truquée et innocents enfermés


Trois jeunes ont passé plus de quatre ans derrière les barreaux, et cinq plus d’un an pour rien, à cause d’une enquête trafiquée


«Avec ce que je propose, il n’y aurait pas pu y avoir d’acquittement», «un naufrage judiciaire», «verdict incompréhensible», «des policiers très amers et en colère»…

Après le verdict de la fameuse affaire des «policiers brûlés» de Viry-Châtillon, c’est une véritable litanie de pleurnicheries de la part de politiciens et de policiers qui a saturé les médias. Surenchère répressive, manifestations de policiers armés, extrême droite en permanence sur les plateaux… Les réactions n’ont pas traîné. Il est désormais question d’alourdir les peines en cas «d’agression» de policiers. Tout ce beau monde y va de sa larme et de son trait de colère. Pourtant, ce n’est pas aux policiers d’être en colère, mais bien aux jeunes qui ont passé des mois voire des années en prison alors qu’ils avaient clamé leur innocence. Innocence qui est donc prouvée en appel. Ce temps passé en détention pour rien, est provoqué par des enquêteurs qui ont littéralement falsifié le dossier pour qu’il emmène les jeunes en prison. Médiapart a révélé, de nouveau, des pièces du dossier accablantes.

Le procédé des policiers est plutôt simple. Ils écrivent à peu près ce qu’ils veulent sur les procès-verbaux d’audition. Ils mentent éhontément en faisant dire à un témoin clef que Untel et Untel ont participé à l’attaque. Alors qu’il n’a jamais dit ça. Ils font écrire une liste de noms audit témoin central, entre deux interrogatoires, sans qu’il soit possible de savoir dans quelles circonstances ces noms ont été écrits. Ce même témoin se verra proposer une protection par la police, alors qu’à l’origine il est soupçonné d’avoir participé à l’attaque. Les policiers qui estiment qu’un des jeunes n’a «pas participé» l’envoient malgré tout derrière les barreaux en toute connaissance de cause.

Un avocat commis d’office manipule carrément, face caméra, un des gardés-à-vue, le jette dans une grande confusion, pour qu’il avoue ce qu’il affirme depuis le début n’avoir pas fait. Ils écrivent le dossier de façon à ce qu’il soit à charge pour tout le monde, en mentant volontairement sur les propos des accusés. Cet énorme mensonge a pu être pointé du doigt grâce à la diffusion des vidéos des auditions, car en matière criminelle, les auditions sont filmées. La comparaison est vite faite. Plusieurs avocats de la défense ont déposé plainte pour «faux en écriture» ainsi que pour «violences par personne dépositaire de l’autorité publique». Combien d’affaires du même type ?

Pendant que nous assistons à un déferlement médiatique de soutien inconditionnel à la police et de chouineries sur une justice soi-disant «laxiste», il ne semble pas problématique que des jeunes aient passés plusieurs années en prison sur la base d’un dossier trafiqué. Cette dimension de l’affaire ne fait pas la une des médias. Le ministre de la justice ne se précipite pas pour pondre une loi visant à empêcher la police de fabriquer des faux coupables. Non, le pouvoir continue de soutenir sa police sans le moindre complexe. Le Directeur de la Police Frédéric Veaux a d’ailleurs renouvelé son soutien indéfectible aux enquêteurs menteurs «quoi qu’il arrive et quoi qu’on dise» : «Je les défends et je les défendrai». En principe, un faux en écriture par un agent assermenté est passible des Assises.

L’affaire en rappelle une aussi scandaleuse, qui a eu lieu à Villers-le-Bel en banlieue parisienne. Le 25 novembre 2007, deux jeunes en moto sont percutés par une voiture de police et meurent peu après. Plusieurs nuits de révolte s’enchaînent pour protester contre ce crime policier. Les affrontements sont violents. La police utilise des méthodes contre-insurrectionnelles pour vaincre les insurgé.e.s, notamment des appels à la délation jusque dans les boîtes-aux-lettres, des coups de pression, et des rémunérations de témoignages à charge. C’est sur la base de témoignages anonymes rémunérés, donc sans aucune garantie, ni vérification, que les frères Kamara sont condamnés à 15 et 12 ans de prison. Sur la seule foi de balances payées et anonymes ! Encore un procès pour l’exemple qui vise la jeunesse des quartiers.

C’est ce que veut le pouvoir : des procès pour l’exemple pour tout ce qui concerne des « agressions » contre des policiers. Quels que soient les moyens déployés pour parvenir à faire condamner des personnes. L’affaire doit être résolue, à tout prix, tant pis pour les dommages collatéraux, quitte à mentir sciemment. Soutenus dans tous les cas par le gouvernement, contrairement à ce qu’ils prétendent, les policiers savent qu’ils peuvent tout se permettre. Les enquêtes de StreetPress au sujet du commissariat du 19e sont révélatrices.

La police peut mentir, éborgner, arracher des mains, fracasser des gens, voire les violer parfois en garde à vue, elle est toujours soutenue par l’État et dans les grands médias. La fascisation en cours est une opération manipulatoire parfaitement concertée.


En garde-à-vue, une seule option pour ne pas se faire avoir : “je n’ai rien a déclarer”.


Source : https://youtu.be/qpkxkupSQVs

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