Hommage collectif et coloré 150 ans après la répression de la Commune de Paris
Vendredi 28 mai, à Nantes, un mur mystérieux est apparu sur la Place du Bouffay, au cœur de Nantes, sous le soleil. Orné d’une représentation du «Mur des Fédérés», où ont été fusillé les Communards, la création a été fleurie toute la journée par les nantaises et nantais. Une œuvre en pleine rue, un hommage collectif ponctué de lecture de textes, de musique et d’un éclairage historique sur cet épisode terrible connu sous le nom de «Semaine sanglante».
L’histoire commence le 21 mai 1871. Paris est en Révolution, mais assiégée par deux armées : celle de la Prusse, et celle de la France contre-révolutionnaire, celle qui s’est réfugiée à Versailles. Ce jour là, un traître, un indicateur de police appelé Ducatel donne le signal à l’armée des Versaillais pour entrer dans Paris par une entrée qui n’était pas gardée. La Garde Nationale, qui protégeait Paris, est épuisée par le siège, les bombardements, et se jette dans son ultime bataille. La Semaine Sanglante commence. Face aux 130.000 soldats versaillais déployés pour reprendre la ville, entre 25.000 et 30.000 communards et communardes vont essayer de résister. L’armée versaillaise va progresser de l’Ouest vers l’Est, des quartiers les plus riches et les plus à droite vers les quartiers ouvriers.
La ville se couvre de barricades. On défend son quartier, son arrondissement, sa rue. À la tête d’une centaine de femmes, Louise Michel et Elizabeth Dmitrieff prennent position dans le 18e arrondissement, derrière les barricades Le 23 mai, le quartier de Montmartre tombe. Les Versaillais massacrent hommes, femmes et enfants, combattants et habitants désarmés. L’objectif est d’épurer la population en exterminant le Paris populaire. Le lendemain, les Versaillais poursuivent leurs massacres. La nuit s’illumine de rouge : l’Hôtel de Ville, la Préfecture, le Palais de Justice, les Tuileries, le Palais Royal, la Porte St Martin et l’Église St Eustache brûlent. Les lieux de pouvoir sont incendiés.
Les jours suivants, on fusille dans les parcs, les casernes, les cours… Les Versaillais tuent par centaine, parfois même à la mitraillette. Les blessés sont sortis des ambulances et assassinés.
Le 27 mai, dans l’Est de Paris, les Versaillais tirent sur la porte du cimetière du Père Lachaise au canon. À l’intérieur, 200 fédérés se battent jusqu’à la mort entre les tombes. 147 communards sont fusillés au mur des Fédérés, dans le cimetière. Tout est perdu.
Le 28 mai, Les derniers combats ont lieu à Belleville. La dernière barricade des tombe. C’était il y a 150 ans.
Cette répression militaire va faire entre 20 et 30.000 morts. C’est le plus grand massacre de l’histoire de Paris intra-muros. Parmi les victimes, le petit peuple parisien mais aussi des révolutionnaires venus de toute l’Europe soutenir le soulèvement. 46.835 personnes sont faites prisonnières. Et des milliers sont déportées. Des dizaines de milliers de dénonciations anonymes sont faites.
La barbarie du gouvernement et de la bourgeoisie est à la hauteur de l’audace et du courage de la Commune. Il s’agit d’une vengeance d’État. Les possédants ont été terrifiés par cette Commune qui avait aboli la conscription militaire et l’armée de métier, annulé les loyers impayés, puni les spéculateurs, mais aussi séparé les églises de l’État, supprimé le budget des cultes, plafonné les salaires, décrété la journée de 10h, l’interdiction du travail de nuit des boulangers et des amendes retenues sur salaire, l’élection et la révocabilité des contremaîtres, la réquisition des ateliers abandonnés – qui sont confiés aux travailleurs –, organisé l’instruction gratuite et laïque…
Il fallait frapper avec une violence inouïe ce soulèvement qui a vu les femmes monter en première ligne, s’organiser, s’armer, arracher des victoires et créer des clubs féministes : l’Union des femmes. La réaction déteste par dessus tout ces femmes émancipées qui prennent part aux combats et luttent haut et fort. Au moment des incendies des lieux de pouvoir, la presse de droite va créer une figure repoussoir : la « pétroleuse », une femme du peuple, révolutionnaire, qui verse de l’essence sur les bâtiments pour les enflammer.
Il fallait terroriser cette Commune qui a visé directement les lieux et les symboles du pouvoir. Par exemple, elle perquisitionne puis démolit la maison d’Adolphe Thiers ou déboulonne de la colonne Vendôme, symbole du militarisme de Napoléon et de sa barbarie.
Mais cette flamme qu’on a voulu étouffer brûle pour toujours. Le spectre de la Commune ressurgit à chaque révolte, à chaque soulèvement, de la Commune de Nantes en Mai 68 aux ZAD, de Seattle au Rojava, des Gilets Jaunes au Chiapas.
Début 2018, Macron organisait une cérémonie luxueuse à Versailles. Et pour justifier ce symbole monarchiste, il avait répondu : «Versailles, c’est là où la république s’était retranchée quand elle était menacée». Une référence au gouvernement d’Adolphe Thiers, qui s’était installé à Versailles avant d’aller massacrer la Commune de Paris. Voilà la République de Macron. Celle des riches, des flics, des réactionnaires, de la haine des pauvres.
Aujourd’hui encore, ces paroles de la chanson de Jean-Baptiste Clément sur la Commune résonnent : «Et gare ! à la revanche. Quand tous les pauvres s’y mettront. Quand tous les pauvres s’y mettront.»
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