Des carrés noirs et blancs emprisonnés dans un carré plus grand
On y est. On se dit qu’on y va, pour ne pas avoir à se dire qu’on y est. La société de contrôle a bien fini par remplacer la société disciplinaire. Les sociétés disciplinaires sont réglées par le mot d’ordre, les sociétés de contrôle sont réglées par le mot de passe. Il n’y a pas besoin de science-fiction pour concevoir un mécanisme de contrôle qui donne à chaque instant la position d’un individu, un QR code qui lui autorise ou lui refuse l’accès à tel ou tel lieu. Aujourd’hui s’il est négatif ou positif, vacciné ou non vacciné. Demain sous quel critère se fera ces droits d’entrée ?
Une fois que le maillage d’un tel dispositif s’est installé partout, avec ces bornes d’entrée et ces nouveaux «citoyens contrôleurs», avec ces espaces cybersecurisé où chacun est suspect, fiché, tracé, code-barrisé. Dans cette nouvelle société l’espace sanitaire est total. Nous y sommes tous potentiellement malade et à ce titre tous décrété patients. Comment pourrions nous nous permettre de discuter les consignes édictées par la «doctrine sanitaire» ? Les «citoyens patients» doivent tous désormais mettre leur autonomie » en suspens, sans que l’on sache quand va s’arrêter ce «régime d’exception».
Ou plutôt si, nous savons que cette logique d’engrenage n’a qu’un seul mouvement : l’intensification jusqu’à englober tout l’espace et ces citoyens avec des droits de passage de plus en plus précis, des territoires de plus en plus quadrillé , à la manière des boîtes de nuits : sélection à l’entrée, carré VIP à l’intérieur, carré VIP dans le carré VIP… En quelques semaines, le gouvernement français a dit :
- Il n’y aura pas de Pass sanitaire en France
- Finalement si, mais il ne touchera pas la vie quotidienne
- Finalement il touchera la vie quotidienne et réduira fortement les libertés, mais jusqu’au 15 novembre seulement
- En fait il sera prolongé après le 15 novembre…
- Et ainsi de suite.Il s’agit avec cette technique de manipulation de base de fabriquer le consentement.
Faire accepter une situation difficile mais temporaire, pour cause «d’urgence», puis de la prolonger. Ce concept qui désigne l’absence de possibilité de faire machine arrière sur les questions sécuritaires est «l’effet cliquet». L’antiterrorisme, l’état d’urgence sanitaire et plus généralement les états d’exception ne permettent pas de retour en arrière. Une fois leurs mesures incorporées, il est quasiment impossible de les supprimer.
Un monde dont l’ingénierie médicale et sanitaire prend l’entier pouvoir par manque de politique est un monde qui se métamorphose. C’est un monde avec sa langue, ses normes et son imaginaire dans lequel tout les droits normaux de la démocratie sont remis en question. Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment l’émotion collective peut-elle si facilement balayer la cohérence de notre État de droit ? Pouvons nous habiter ce futur dont les contours et l’intérieur ressemblent à un QR code géant ? Une multitude de carrés blancs et noirs emprisonnés dans un carré plus grand. Une sorte d’espace binaire avec des interactions sociales et politiques tout aussi binaires : pour ou contre, pro ou anti, positif ou négatif, droit d’accès valide ou invalide…. Des zéro et des un.
Le langage numérique du contrôle est fait de chiffres qui marquent l’accès à l’information ou le rejet. Des formes du contrôle à l’air libre. Quel ravage la gouvernementalité du contrôle pourrait elle causer à la nature humaine ? Les dégâts occasionnés sur notre humanité n’apparaissent qu’au fil des juxtapositions. Nous devons nommer ce «sans précédent» de notre époque. Puis mobiliser de nouvelles formes d’action collective. Un exercice digne d’intérêt serrait d’effacer les mots «médicaux» du vocabulaire des discours politique actuel pour voir la rapidité avec lesquelles les objectifs de cette gouvernementalité du contrôle sont mis à nu. L’essor fulgurant et l’acceptation générale de cette nouvelle gouvernementalité, la montée de son pouvoir, son expression dans une infrastructure de «croyance médicale» et la vision nouvelle, profondément antidémocratique qui en découle ont été possibles par ce que «sans précédent». Il y a toujours un «sans précédent» d’où vient la faille dans lequel s’engouffrent les nouveaux pouvoirs.
En revendiquant une domination sur les territoires humains, sociétal et politique qui se situe bien au-delà du terrain politique conventionnel la «société de contrôle sanitaire» a affirmé sont droit d’invasion dans la vie privée en confisquant au passage le droit individuel de décider. La preuve de notre engourdissement psychique c’est qu’il y a peu de temps quasiment tout le monde aurait dénoncé les techniques de contrôle comme inacceptables menaces contre l’autonomie individuelle et l’ordre démocratique.
Aujourd’hui ces pratiques rencontrent peu de résistance et ne sont finalement jamais vraiment débattues dans les grands médias. La légitimité dont se réclame cette nouvelle gouvernance est elle fondé sur autre chose que sur les effets de pouvoir ? Tous arguments contraires aux intérêts de ce pouvoir ne sont-ils pas traqués, tracé et encadré, montrer du doigt, réprimer et discréditer systématiquement ? Que signifie ce changement en profondeur pour nous, pour nos «démocraties» et pour la possibilité d’un avenir humain dans ce monde du contrôle ?
Pour une contestation efficace il faut avoir une connaissance approfondie de ce qu’il y a à combattre. Comment s’y prendre quand la prise de pouvoir profite d’un choc tel que la pandémie pour installer ce nouvel «État» avec une rapidité de mise en œuvre qui fait penser à une «guerre éclair» ?
On se dit qu’on y va pour ne pas a avoir à se dire qu’on y est. Mais on y est.
Horachek, TWE