Tribune présidentielle : un spectacle d’Ancien Régime


«Est-ce que cette période a développé chez vous une fibre sociale ? On est très loin de l’image convenue de président des riches»


La France est probablement le dernier pays occidental à organiser des cérémonies monarchiques à la télévision. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : hier, 15 décembre, pendant deux heures, Macron a pu dérouler une série de félicitations sur son propre mandat sans aucune contradiction, accompagné de deux valets soumis à ses exigences. Un spectacle dans les dorures de l’Élysée, digne de l’ORTF, la télévision d’État de l’après-guerre. En pire.

La séquence médiatique est une mise en scène totale : intitulée «Où va la France ?», il s’agit d’un enregistrement réalisé dimanche dernier, sous contrôle présidentiel. Macron regarde les images de son quinquennat en se congratulant de son bilan. Les deux journalistes laquais – dont l’un a été accusé de harcèlement sexuel – ne sont là que pour lui donner sa réplique, toutes les questions ont été préparées en avance, et de toute façon, rien n’est en direct, tout est sous contrôle. Même Trump organisait des conférences de presse, avec de nombreuses questions de journalistes indépendants. En France, nous sommes au delà, dans un autre monde, un univers sans contre-pouvoirs ni presse libre.

Ainsi, le président va dénoncer les Gilets Jaunes sans évoquer les milliers de victimes de la répression, nier le fait d’avoir mené une politique économique en faveur des plus riches, ou nier également la gravité de l’affaire Benalla, parlant d’une “affaire d’été”.

Pire, Audrey Crespo-Mara sort de sa réserve pour critiquer Emmanuel Macron, trop à gauche selon elle : elle insiste deux fois : «Vous êtes devenu plus socialiste que libéral ? (…) En temps de crise, votre “en même temps” tire plus vers le socialisme que vers le libéralisme ?». Son collègue complète : «Est-ce que cette période [du Covid] a développé chez vous une fibre sociale ? On est très loin de l’image convenue de président des riches». Alors que tout le monde s’accorde à dire que le président a gouverné très à droite sur tous les plans, et que «la crise» a été l’occasion de nouvelles attaques anti-sociales et d’inégalités toujours plus fortes. En creux, cette question révèle l’extrême droitisation de la classe médiatique. Les valets réclament un roi encore plus injuste.

La France, c’est l’Ancien régime. Une noblesse médiatico-politique qui a tous les droits. Des mercenaires armés qui font régner la terreur. Et un monarque qui s’offre des émissions personnelles pour dire aux gueux à quel point il est formidable : «Nous sommes un peuple qui a pu faire confiance à un jeune homme de 39 ans» a osé Macron. Cet Ancien régime aimerait nous faire croire que la seule opposition est cette partie de la noblesse qui désire un régime encore plus dur et violent, un régime fasciste.


Mais nous savons toutes et tous que les rois ne tombent que grâce aux révolutions


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