Fous de la gâchette : à Paris, la police tue encore


Militarisation : explosion du nombre de tirs policiers et de morts lors de contrôles


Un policier de dos, flingue à la ceinture. Le sigle "Police" floque les maillots des fous de la gâchette.

Samedi 4 juin, fin de matinée, dans le 18ème arrondissement de Paris. Des policiers à vélo disent avoir vu une voiture dont l’un des passagers «ne porte pas sa ceinture de sécurité». Ils cherchent à contrôler le véhicule, qui démarre. Les policiers tirent. Deux personnes sont très gravement blessées : le conducteur et sa passagère. Ce dimanche, nous apprenons que la passagère est morte, après avoir reçu une balle dans la tête. Pour une ceinture qui n’était pas mise et un refus d’obtempérer. La consigne des autorités n’est plus d’interpeller, ni éventuellement de relever une plaque pour donner une amende, mais de tuer.

En France, la police organise de plus en plus régulièrement des fusillades mortelles. Dimanche 24 avril dernier, sur le Pont Neuf, situé près du commissariat du 36 quai des Orfèvres et de la Préfecture de police de Paris, un policier ouvrait le feu avec un fusil d’assaut. Pour un refus d’obtempérer, l’agent avait dégainé une arme de guerre : un fusil HK G36 destiné à l’antiterrorisme. Une dizaine de tirs en quelques secondes, dont «cinq ou six impacts ont atteint les individus». Deux jeunes hommes de 25 et 31, deux frères, sont tués sur le coup. Le fou de la gâchette est placé en garde à vue mis en examen pour «homicide volontaire», une qualification rarissime pour un policier. Mais malgré les éléments accablants, le tireur est laissé libre à l’issue de sa garde à vue. Quelques semaines plus tôt, c’est un père de famille qui était abattu au volant, d’une balle dans le dos à Sevran. L’été dernier, plusieurs contrôles policiers se sont conclus par des voitures criblées de balles. Alors qu’il n’y avait aucun danger, comme le montraient les vidéos des faits, dans les villes de Stains et Rosny. Où s’arrêtera le massacre ?

Le nombre de tirs à balles réelles par la police française explose ces dernières années. Il n’est plus exceptionnel de voir les forces de l’ordre sortir leur arme à feu, voire même de tirer sur des véhicules ou des individus. En France, la police se militarise. Et elle se donne le droit de mettre à mort.

Lorsque le gouvernement distribuait pour la première fois le Flash-Ball puis le LBD, il justifiait ces nouvelles armes en les présentant comme «anti-bavure» : elles permettraient au policier de tirer sans tuer. C’est tout l’inverse qui s’est passé. Non seulement les armes dites «non létales» sont massivement utilisées, mais les tirs à balles réelles n’ont pas arrêté d’augmenter. Les policiers se sont décomplexés de la gâchette.

Durant la campagne présidentielle de 2012, les policiers manifestent dans des véhicules de police, sur les Champs-Élysées, pour réclamer une «présomption de légitime défense» – autrement dit, un permis de tuer. Une revendication qui vient de l’extrême droite. La mesure sera mise en œuvre par le Parti Socialiste qui «assouplit» en 2017 le cadre de la légitime défense et étend l’usage des armes à feu. Les policiers obtiennent le droit de tirer non seulement pour se défendre, mais aussi pour «défendre un lieu sous leur responsabilité» – on devine les interprétations qui peuvent être faites dans le cas de luttes contre des grands projets –, «lorsqu’ils doivent empêcher un détenu de s’échapper» mais aussi «pour empêcher une voiture de se soustraire à un contrôle». En 2020, dans le cadre de la «Loi de sécurité globale», le Parlement vote l’autorisation, pour les policiers, de se promener armés dans les établissements publics.

Le geste de brandir une arme à feu n’est donc plus rare. Les tirs pour de simples contrôles non plus. Une jeune femme vient de mourir parce qu’elle était passagère d’un véhicule qui refusait un contrôle. En 2019, le Ministère de l’Intérieur a commandé simultanément plusieurs dizaines de milliers de grenades pour le maintien de l’ordre et 25 millions de cartouches destinées aux fusils d’assaut. Les autorités elles-mêmes s’alarment dans une note confidentielle du nombre de tirs «accidentels» ou commis «par imprudence» avec les nouvelles armes de guerre.

Suite au drame qui a eu lieu ce week-end, trois fonctionnaires ont été placés en garde à vue, mais il n’y a guère d’illusion à se faire. D’ailleurs la justice lance une enquête qui vise les occupants de la voiture pour «tentative d’homicide sur personnes dépositaires de l’autorité publique». Comme si ce n’étaient pas les passagers qui avaient été mitraillés, mais que les victimes étaient les tireurs.

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