La famille agressée par des individus cagoulés alors qu’elle quittait les lieux. Résumé en trois épisodes d’un emballement médiatique basé sur une fake news :
Épisode 1
Mercredi 8 juin. Le journal Parisien titre «Ce couple achète une maison squattée par une famille sans le savoir». Il diffuse une vidéo dans la commune d’Ollainville, en lointaine banlieue parisienne, devant un petit pavillon situé au bord d’une route. On y voit un couple, Laurent et Élodie, qui disent «passer du rêve au cauchemar». Ils ont acheté cette maison et l’auraient découverte squattée par une famille au moment de s’installer. Ils disent qu’ils sont choqués, surpris que leur «projet de vie» tombe à l’eau, et qu’ils se retrouvent à payer à la fois cette maison dans laquelle ils ne peuvent emménager en plus de leur actuel logement. Évidemment, la situation du couple scandalise. Les commentaires contre les squatteurs se déchaînent. La vidéo est vue des millions de fois. Laurent et Élodie passent sur Cnews, chez Hanouna… C’est l’emballement.
Épisode 2
En réalité, cette maison a été vendue très en-dessous du prix du marché : 140.000€ pour un pavillon avec un vaste terrain et une dépendance. Si elle a été bradée, c’est parce qu’elle est habitée, et Laurent et Élodie le savaient. Une vidéo sort sur les réseaux, prise bien avant l’emballement médiatique. Celle de l’agente immobilière qui a réalisé cette vente : elle rigole avec Élodie en disant que c’est «une vente un peu particulière, une vente sans remettre de clé, juste l’attestation» car «le bien est déjà occupé, il va falloir, pfft, faire partir entre guillemets les gens qui sont dedans, récupérer le bien et refaire les clés». Elle demande à Élodie : «Est-ce que tout s’est bien passé du coup ?» Réponse : «oui très bien». Le Parisien a donc menti. Les deux acquéreurs n’ont pas «découvert» leur maison squattée. Ils l’ont achetée à bas prix précisément parce qu’elle était occupée. Le couple avait pourtant assuré qu’ils avaient vu que leur bien était habité le soir de l’achat…
Deux jours après, le couple confirme auprès de BFM TV qu’il était au courant qu’une famille vivait là. On apprend aussi qu’ils avaient visité la maison en septembre 2021, et avaient attendu 8 mois sans jamais la revisiter. L’affaire paraît déjà moins extravagante. Le Parisien finit par écrire un autre article qui explique l’achat d’une «maison qu’ils savaient squattée, puisque ce paramètre a fait baisser le prix».
En fait, l’idée était d’acheter à bas prix, d’expulser les occupants sans passer par la justice, et donc de faire monter le prix du bien rapidement. Voir même le revendre dans la foulée, et réaliser ainsi une belle opération financière. Laurent et Élodie n’auraient-ils acheté que pour faire un coup financier ? En tout cas, ils ont fait un «pari» immobilier. Et ont ensuite médiatisé l’affaire pour accélérer les choses.
Autre élément qui n’a pas été évoqué dans un premier temps : la famille qui occupe les lieux certifie qu’elle a, elle aussi, acheté la maison pour 120.000 euros en liquide. Elle possède une promesse de vente. Ce n’est pas conforme, mais cela veut peut-être dire que cette famille, tunisienne, s’est faite escroquer. D’ailleurs les enfants sont scolarisés à côté, la famille habite donc bien là depuis plusieurs mois. Les «squatters» sont en fait, sans doute, aussi des victimes.
Épisode 3
L’histoire est reprise par Darmanin, qui tweete le 9 juin que «cette situation est inacceptable» et demande au préfet d’expulser la famille. En creux, le ministre récupère politiquement l’affaire, et envisage de durcir encore les lois dites «anti-squat», contre le droit au logement pour toutes et tous. Dans la foulée, un candidat du parti de Zemmour vient «soutenir» Élodie et Laurent. Des riverains harcèlent la famille. Qui n’a jamais pu se défendre.
Épilogue dans la nuit du 9 au 10 juin. La famille fait ses bagages et quitte la maison, sous la pression. Alors que cette famille met des affaires dans sa voiture, un groupe d’hommes cagoulés les attaque, les gaze, casse le véhicule et déversent aussi du lacrymogène dans la maison. Il y avait 2 enfants dont un de 4 ans. Victimes du déchaînement médiatique.
Bilan
Encore une polémique indigne orchestrée par les médias des milliardaires pour opposer les pauvres entre eux. Entre ceux qui s’endettent pour acheter des pavillons et des personnes en extrême précarité obligées d’occuper des logements vacants. Ce n’est pas la première fois, une opération comparable avait eu lieu à Rennes, avec la maison secondaire inoccupée d’une retraitée. En France il y a 3 millions de logements vides et 300.000 SDF. Largement de quoi loger tout le monde. Les prix de l’immobilier ont explosé. Des millions de gens galèrent pour avoir un toit. Une infime minorité de propriétaires loue à prix d’or des petits logements et spécule sur les loyers. La crise du logement est un problème majeur en France, qui mérite mieux que les instrumentalisations fascistes et les mensonges des médias aux ordres.
Merci à @Babar_le_Rhino pour son travail d’enquête
L’agente immobilière qui rigole avec Élodie sur le fait que ce soit une belle vente car la maison est occupée :