Quand la santĂ© permet d’imposer des technologie de contrĂŽle

La pandĂ©mie et plus gĂ©nĂ©ralement la question sanitaire ont rendu «acceptables» des moyens de contrĂŽle qui auraient Ă©tĂ© rejetĂ©s en bloc il y a encore quelques annĂ©es. Bracelets Ă©lectroniques, pass sanitaire, puces imposĂ©es «pour notre bien», y compris dans des collĂšges en France : tour d’horizon.
HONG KONG
Dans cet archipel, les autoritĂ©s ont imposĂ© des mesures liberticides extrĂȘmement dures contre le Covid-19. Par exemple en mars dernier, Hong Kong inaugurait son quatriĂšme «camp dâisolement», entourĂ© de barbelĂ©s, avec une banderole proclamant : «Avec le parti communiste chinois, nous combattons le virus». Le site devait accueillir 1 000 patients asymptomatiques dans des piĂšces avec des barreaux aux fenĂȘtres. Lundi 11 juillet 2022, le gouvernement annonçait la mise en place d’un bracelet Ă©lectronique pour tous les malades du Covid-19. En cas de non-port de ce bracelet, les personnes sâexposeront Ă une amende pouvant aller jusquâĂ 25000 dollars de Hong Kong et jusquâĂ six mois de prison. En 2020 dĂ©jĂ Hong Kong testait un type de bracelet pour les nouveaux arrivants, avec un QR code rattachĂ© Ă une application et pouvant suivre les mouvements de lâutilisateur.
BRACELET POUR COLLĂGIENS
Ăa se passe dans la Sarthe, en France : 30000 collĂ©giens suivis par des bracelets Ă©lectroniques. Le dĂ©partement de la Sarthe va financer et fournir Ă partir de septembre des «bracelets connectĂ©s» aux Ă©lĂšves de sixiĂšme dans «le cadre dâun programme sport et santé». Ces outils sont prĂ©sentĂ©s comme Ă©tant destinĂ©s à «évaluer la santĂ©, la forme physique et mentale des collĂ©giens». Une expĂ©rimentation intrusive qui prĂ©figure un contrĂŽle toujours plus poussĂ© de notre intimitĂ© dĂšs le plus jeune age. Ici encore, c’est pour “le bien” des adolescents. D’ailleurs lâinitiative s’inscrit dans le cadre d’un label «Terre de Jeux 2024» en vue des Jeux Olympique : c’est «ludique», «sympa». Le sport, avec la santĂ©, est un des premiers moyens pour lĂ©gitimer le contrĂŽle des corps et de ses performances. DĂšs la rentrĂ©e, tous les Ă©lĂšves en sixiĂšme des 75 collĂšges de la Sarthe recevront un bracelet connectĂ©, l’an prochain en plus des sixiĂšmes sâajouteront les cinquiĂšmes, ainsi de suite jusquâen troisiĂšme, ce qui totalisera 30 000 collĂ©giens suivis au total.
PUCES EN SUĂDE
En SuĂšde, une puce est dĂ©jĂ commercialisĂ©e par l’entreprise Epicenter pour servir d’implant Ă©lectronique. Depuis plusieurs annĂ©es, quelques milliers de suĂ©dois et suĂ©doises se sont fait injecter l’implant pour remplacer «clĂ©s, cartes de visite, billets de trainâŠÂ» Selon ses promoteurs, cette puce qui fait la taille d’un grain de riz et peut ĂȘtre injectĂ©e par une seringue dans la main ou le bras, «n’Ă©met de donnĂ©es que lorsque la main se retrouve en contact avec un lecteur de carte NFC (Near Field Communication)». Avec la gĂ©nĂ©ralisation du Pass Sanitaire, cette invention a Ă©tĂ© mise en avant par ses promoteurs pour remplacer le QR code. «Avec une telle puce, le pass sanitaire est toujours sur soi. Plus de problĂšme de batterie sur son tĂ©lĂ©phone ou de perte de lâattestation papier» Ă©crivait par exemple le quotidien Ouest-France. Un outil pratique et indolore selon BFM TV qui suivait une suĂ©doise: «Hormis une vague douleur quand la seringue a insĂ©rĂ© la puce dans sa main gauche, Ulrika n’a rien senti et utilise son implant presque quotidiennement.»
BRACELETS POUR SALARIĂS
C’Ă©tait l’expĂ©rimentation dans le port de Anvers, en Belgique. Au dĂ©but de la pandĂ©mie, «une dizaine dâemployĂ©s, volontaires testaient un bracelet Ă©lectronique anti-Covid-19». L’outil vibrait et sâĂ©clairait dĂšs que la «distanciation sociale» n’Ă©tait pas respectĂ©e. La presse prĂ©cisait Ă l’Ă©poque que ce bracelet Ă©tait «controversé», mais que «lâoption «tracking» pour identifier les contacts dâun employĂ© testĂ© positif, nâa pas Ă©tĂ© activĂ©e». Rassurant. Les syndicats du port avaient protestĂ© contre l’outil. Pourtant, deux ans plus tĂŽt, c’est Amazon qui faisait breveter un bracelet Ă©lectronique lui permettant «de dĂ©tecter les mouvements des mains de ses salariĂ©s dans ses entrepĂŽts». Avec l’objectif affichĂ© de pouvoir suivre les travailleurs et «amĂ©liorer leur productivité» : «si un employĂ© place ses mains au mauvais endroit ou ne touche pas le bon objet le bracelet pourra se mettre Ă vibrer par ultrason». Cela avait provoquĂ© un scandale. L’idĂ©e semble beaucoup moins choquante avec la pandĂ©mie.
Le monde transformé en prison géante
Ces nouvelles technologies de contrĂŽle s’imposent Ă toute vitesse dans nos vies et nos intimitĂ©s, au nom des crises successives, alors que d’autres bouleversements ne manqueront pas d’advenir. Le monde transformĂ© en une prison gĂ©ante pour nous protĂ©ger. En septembre 2017, Yuval Noah Harari, auteur mondialement cĂ©lĂšbre, proche de Marc Zuckerberg, dĂ©clarait Ă la tĂ©lĂ©vision française : «Je crois que au 21e siĂšcle ce sera une bagarre entre la vie privĂ©e et la santĂ©. Et la santĂ© va gagner. Les gens seront volontaires pour abandonner leur intimitĂ©, pour avoir de meilleurs soins. Parce que au fond, les donnĂ©es qui sont vraiment importantes, ce sont les donnĂ©es biomĂ©triques, celles de l’intĂ©rieur de votre corps. [âŠ] Pourquoi les gens accepteraient de porter ces capteurs biomĂ©triques sur leur corps et de donner ces donnĂ©es au gouvernements ou aux entreprises ? En raison de la santé». ProphĂ©tique.
Ă retrouver dans la revue Contre Attaque n°1 (ĂtĂ© 2022) : un dossier sur la technopolice qui s’impose Ă toute vitesse. Une revue Ă commander ici.
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