«L’eau c’est fait pour boire» : chronique de la sécheresse 2022


Le cas de Gérardmer dans les Vosges : un aperçu du futur


Nous traversons une période de sécheresse inédite de mémoire d’Homme. La totalité de la France est en état d’alerte. Les précipitations en Bretagne ont baissé de 95% par rapport à un été normal. Les épisodes caniculaires s’enchaînent alors que les réserves en eau étaient déjà à un niveau critique avant l’été. Comme dans un film dystopique, nous allons manquer d’eau potable en France. Cas d’école à Gérardmer, dans les Vosges.

Gérardmer est une petite ville du Nord-Est de la France, comptant 8300 habitants. En hiver elle fait office de station de ski. En été son lac attire de nombreux touristes. La sécheresse est telle qu’à Gérardmer, l’eau potable est déjà en pénurie. Les autorités sont contraintes de pomper dans le lac, qui n’est plus seulement un lieu de loisirs, mais désormais la seule source qui alimente les robinets. Le niveau du lac est lui-même anormalement bas depuis des semaines. L’eau courante n’est donc officiellement plus potable : la mairie appelle à «ne pas la consommer directement. Préférez l’eau en bouteille. Et au pire faire bouillir l’eau 5 minutes au moins.»

Plus préoccupant, le lac a été utilisé comme décharge de munitions après les deux guerres mondiales. Après les deux confits, des tonnes de munitions ont été jetées dans l’eau. Plusieurs dizaines de tonnes de munitions et d’armes y ont été jetées en 1918, 1940 et 1944. Notamment des obus et des grenades, dont certaines au phosphore, des armes ou encore des bombes. Ces munitions rouillent dans l’eau et menacent de relâcher les composants dangereux qu’elles contiennent. Une première opération de «nettoyage» partiel a été effectuée en 2014. Mais elle n’est pas complète.

Ces derniers jours, plusieurs propriétés de Gérardmer ont été «visitées» par des anonymes qui ont percé les spas et les jacuzzis. Les auteurs ont signé leurs actes en laissant un message : «L’eau, c’est fait pour boire». De nombreux spas et piscines ont été construits ces dernières années dans la commune, la plupart destinés aux touristes qui louent des chalets ou pour les hôtels. Les habitants s’en inquiétaient déjà bien avant la sécheresse de cette année.

Bonus : l’industrie touristique utilise au maximum les infrastructures de sports d’hiver. Lorsqu’il n’y a pas de neige Gérardmer accueille donc des compétitions de biathlon avec des skis montés sur roulettes par exemple. Le saut à ski sur roulettes est en revanche plus compliqué : pour pouvoir utiliser le tremplin de la ville il faut utiliser de vrais skis, qui glissent sur un tapis d’eau s’écoulant depuis le sommet.

Lors de la compétition d’été de saut à ski (le SAMSE Summer Tour) le 19 août prochain, l’eau du lac ne servira donc même pas aux habitants, mais à mouiller le tremplin et la piste. Un usage visiblement nécessaire pour la mairie de Gérardmer, qui multiplie pourtant les restrictions et donne de l’eau croupie à boire à ses administrés.

Ce cas particulier donne un aperçu du monde qui vient. Sécheresse et pénuries d’eau potable auxquelles nous ne sommes pas préparés. Pollution de nos ressources qui ne nous permettent pas de faire face au chaos climatique. Tensions croissantes autour de l’eau et sabotages pour préserver un bien commun vital. Tout est déjà là. Le capitalisme nous précipite vers le désastre.


AJOUT AU 06/08 : La compétition de saut à ski du 19 août est finalement annulée suite à la sécheresse. On attend encore la vidange définitive des jacuzzis des complexes hôteliers, qui consomment bien plus d’eau puisque celle-ci est changée régulièrement.

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