Chronique judiciaire : un militaire armé jusqu’aux dents à Nantes


Reportage dessiné par Ana Pich’


Septembre 2022, audience correctionnelle au Palais de justice de Nantes. Un jeune militaire jugé pour avoir acheté sur le darkweb, détenu et importé illégalement un vrai arsenal de guerre (semi-automatiques, carabines, grenades, chargeurs, cartouches…). Il défend être un collectionneur…

Son avocate, quant à elle, plaide l’inconstitutionnalité des textes législatifs réprimant les infractions poursuivies et soumet au tribunal trois questions prioritaires de constitutionnalité*. Elle réclame également que le tribunal correctionnel se déclare incompétent, et défend que seul un tribunal militaire puisse juger des faits, alors même qu’elle reconnaît sans difficulté que les faits ont été commis dans le cadre privé du prévenu, en dehors de ses missions militaires…

Autre élément notable de cette audience : aucune interrogation n’a été portée sur la potentielle dangerosité du prévenu, ou à une potentielle appartenance ou participation à une groupe armé. Son statut de militaire semblant l’exempter de tout doute sur une quelconque malveillance ou association criminelle.

Autre question restée en suspens : la manière dont le prévenu a pu, financièrement, se fournir un tel arsenal de guerre avec un revenu mensuel s’élevant à 1400 euros… L’inquiétude principale qui occupait les magistrates semblait être le potentiel risque de cambriolage dont il aurait pu faire l’objet, et de voir retrouver ses armes utilisées pour des règlements de compte…

Le délibéré sera rendu en décembre 2022… en attendant le jeune militaire détient toujours des armes à son domicile (mais déclarées cette fois), mais n’est soumis à aucun contrôle judiciaire ou interdictions en attendant le rendu de la décision… Pour infiniment moins que cela, on a vu le même tribunal de Nantes imposer des contraintes très lourdes pendant des mois à des manifestants. Sur cette affaire, pourtant inquiétante, la presse est étonnamment discrète. Imaginez qu’un militant anticapitaliste ait été arrêté avec un tel arsenal !

Affaire à suivre…


* QPC : «La question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative» (conseil constitutionnel).

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