Brésil : l’extrême droite refuse la défaite de Bolsonaro


Une fois que l’extrême droite est au pouvoir, il est difficile de l’en déloger. Après la tentative de putsch aussi grotesque qu’inquiétante aux Etats-Unis après la défaite de Trump, le Brésil est en proie à une vague d’agitation fasciste suite à la victoire électorale du président de centre-gauche Lula. Tour d’horizon.


Au Brésil, l'extrême droite de Bolsonaro refuse d'abandonner le pouvoir

Dans le sud du Brésil, l’État de Santa Catarina est la pointe avancée de l’extrême droite. Dans cet État blanc, avec une forte communauté d’origine allemande, Bolsonaro a cumulé près de 70% des voix. Des manifestations ont eu lieu mercredi 2 novembre, avec une foule de milliers de personnes aux couleurs du drapeau brésilien faisant des saluts nazis. C’est l’une des particularités de l’extrême droite brésilienne : le clan Bolosnaro affiche un soutien inconditionnel à l’État d’Israël, tout en s’appuyant sur une base ouvertement nazie. Juste avant l’élection, à l’université de Santa Catarina, une cellule de néonazis avait été arrêtée. Elle possédait des armes, des drapeaux à croix gammées et toute une littérature Hitlérienne. Le jour de l’élection, la compagne de Bolsonaro allait voter en portant un T-Shirt avec un drapeau israélien.

À Rio, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté mercredi devant le commandement militaire. La foule réclamait une «intervention fédérale» de l’armée, autrement dit un putsch pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Lula et organiser de nouvelles élections. Toujours à Rio, des étudiants et professeurs de l’Université Fédérale en voyage d’études ont été bloqués plusieurs heures sur la route par des pro-Bolsonaro qui menaçaient de les «brûler» parce qu’ils venaient d’une fac considérée comme «à gauche».

À São Paulo, 30.000 personnes ont chanté l’hymne national et scandé : «Forces armées, sauvez le Brésil !». Un tract qui a beaucoup circulé expliquait : «Nous sommes prêts pour la guerre». Dans les manifestations, des prières de rue organisées par des évangélistes ont lieu, transformant le combat politique de l’extrême droite en croisade spirituelle contre les forces du mal. Dimanche soir déjà, dans la ville, un couple était sorti en pointant son arme sur des militants pro-Lula. La vidéo avait fait le tour des réseaux sociaux.

Plus impressionnant, les pro-Bolsonaro ont organisé des blocages massifs et coordonnés de routes, aidés par des camionneurs d’extrême droite. Mardi, 250 barrages étaient recensés dans 22 États sur les 27 que compte le Brésil. Mercredi, il y avait 500 blocages. Ce jeudi, il reste 86 barrages routiers dans 11 États, certains ont été délogés par la police militaire qui a tiré des grenades lacrymogènes. En Amérique Latine, des blocages de camionneurs pour faire tomber un gouvernement de gauche sont fréquents. Avant le coup d’État Chilien de Pinochet, la technique avait déjà été utilisée.

Des policiers ont manifesté dans plusieurs villes, notamment avec une banderole disant qu’ils ne seront «jamais communistes». Dans certains États, les forces de l’ordre sympathisent avec les bloqueurs.

Cette défaite électorale déchaîne les bases militantes et religieuses de l’extrême droite, qui sont très nombreuses. Pour autant, le clan Bolosonaro est isolé. Les blocages sont en train de refluer, les institutions s’opposent globalement aux réclamations des putschistes, Bolsonaro lui-même a appelé à l’apaisement dans un discours ambigu, sans pour autant reconnaître clairement sa défaite. Il n’y aura pas de coup d’État, mais les fanatiques de Bolsonaro disent que ce n’est que le début d’un mouvement qui va se prolonger. Les mois et les années qui viennent risquent d’être agitées.

Le seul rempart se trouve du côté des mouvements sociaux. Le Mouvement des Sans Terre, qui lutte pour le partage des terres pour les paysans, a appelé à s’opposer concrètement aux fascistes. Des groupes de supporters, notamment ceux du club de gauche de São Paulo, le Sport Club Corinthians, appellent à débloquer les routes. Dans l’État d’Espírito Santo, la population est descendue sur le barrage bolsonariste et a fait fuir les bloqueurs.


La victoire électorale ne suffira pas, il faudra de vaste mouvements de grèves et de luttes sociales pour réellement tourner la page du mandat d’extrême droite.


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