Mineurs isolés : les oubliés de la protection de l’enfance

Des dizaines de tentes de mineurs isolés devant le Conseil d'État

En plein cœur de l’hiver, plus de 325 mineurs isolés ont posé leur tente devant le Conseil d’État à Paris. Suite au refus de reconnaissance de leur minorité par les Conseils départementaux et dans l’attente de leurs recours, ces jeunes abandonnés par l’État français se sont peu à peu regroupés sous les ponts à Ivry-sur-Seine. Depuis vendredi, ils ont décidé de poser leurs tentes sous les fenêtres du Conseil d’État, pour exposer leur situation à la vue de tous dans l’attente d’une solution d’urgence.

L’image fait froid dans le dos : des centaines de tentes, certaines recouvertes de couvertures de survie devant le luxueux bâtiment du conseil d’État. Seule réponse du gouvernement face à cet ultime appel à l’aide : un cordon de gendarmes et de policiers pour empêcher l’accès au campement.

Sur place, les associations telles que Utopia56 et Médecins du monde pallient une fois de plus aux manquements de l’État. Ce vendredi, Utopia56 indique même que la distribution de couvertures et de repas a été bloquée par la préfecture de police.

Auparavant nommés «Mineurs Isolés Étrangers» (MIE), les Mineurs Non-Accompagnés (MNA) n’ont jamais si bien porté leur dénomination. Si l’on a beaucoup parlé des conditions d’accompagnement des jeunes de la protection de l’enfance, celle des mineurs isolés est souvent tue. Ces jeunes oubliés de l’Aide Sociale à l’Enfance connaissent pourtant une violence d’État insupportable.

La politique de régulation migratoire appliquée aujourd’hui en France est bien loin de l’image du pays des droits de l’Homme et du Citoyen auquel on voudrait nous faire croire. Après un parcours d’exil souvent chaotique et traumatisant, ces jeunes font face au mépris et à l’injustice de l’administration française. Ils se voient dans un premier temps dans l’obligation de prouver leur minorité dans un entretien auprès d’associations déléguées par le Conseil Départemental. N’ayant pas toujours de documents d’identité, les évaluateurs jugent de leur minorité et de leur isolement lors d’un entretien d’une heure sur de simples observations ou des tests médicaux douteux (tests osseux).

Ceux jugés majeurs retournent bien souvent à la rue dans l’attente de leur recours. Les «chanceux» reconnus mineurs accèdent à une prise en charge au rabais par l’Aide Sociale à l’Enfance : hébergement dans des hôtels miteux, scolarisation dans un cursus professionnel imposé (selon les places restantes et la bonne volonté des établissements), détresse et solitude face à des équipes de travailleurs sociaux en surmenage.

Ils entament alors un parcours du combattant où aucun écart ne leur est permis et doivent prouver leur détermination à travailler, à s’intégrer socialement pour que la préfecture, dans sa grande bonté, leur accorde finalement le droit de rester en France via un titre de séjour d’un an pour commencer… un an de sursis.

Avec la guerre en Ukraine, la France a prouvé qu’elle a les moyens d’accueillir des personnes exilées et de tout mettre en œuvre pour leur assurer un accueil digne. Pourtant, ce soir encore, des centaines de jeunes isolés dormirons à la rue dans l’indifférence la plus totale.

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