Alors que les chaînes des milliardaires et les partis d’extrême droite se précipitent comme des vautours affamés sur le moindre fait divers, un événement terrible n’a bizarrement pas été récupéré politiquement.
La scène a lieu à L’escarène, petit village de 2500 habitants dans l’arrière pays niçois. Le 12 octobre, le bruit court qu’une tentative de cambriolage a eu lieu dans la maison d’une habitante. Jérémy Da Silva, 39 ans, père de famille, est poursuivi par des dizaines de villageois avec leurs chiens. L’homme est mordu, déshabillé, passé à tabac. Un véritable lynchage. Il est très gravement blessé et mourra 48 heures après à l’hôpital. «On a attendu plus d’une heure et quart les pompiers et la police» explique sa compagne. «Ni la carte bancaire, ni les 45 euros» qui auraient été dérobés n’ont été retrouvés sur lui.
Avant de mourir, sur son lit d’hôpital, la victime assurait à sa compagne «ne rien avoir volé». Deux mois après, l’omerta règne dans ce village et personne n’a été arrêté. Une enquête est timidement ouverte pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Une qualification plutôt «laxiste», comme disent les partisans d’un État sécuritaire, alors qu’il est difficile d’estimer l’intention de personnes qui n’ont même pas été interrogées après avoir battu un homme à mort.
Alors pourquoi ce drame, une meute qui se fait justice elle même en assassinant un homme soupçonné d’un vol qui n’a sans doute pas eu lieu, n’est-il pas utilisé comme symbole de «l’ensauvagement» et de «l’insécurité» en France, comme aime tant le répéter l’extrême droite ?
Car L’escarène est un village d’extrême droite. Aux dernières législative, la candidate du RN y a triomphé avec plus de 70% des voix. Deux mois plus tôt, dès le premier tour des présidentielles, L’escarène plaçait Marine Le Pen en tête des candidats avec 43% des voix, suivie de Zemmour avec 13%. L’extrême droite élue dès le premier tour !
Ce qui a eu lieu dans ce village, c’est un meurtre collectif extra-judiciaire d’une foule galvanisée par les discours fascistes ambiants. Une forme de milice, qui se fait justice elle-même, qui frappe en groupe. Précisément l’imaginaire véhiculé par l’extrême droite depuis des années : son projet de société.