Aide aux policiers racistes et violents, pressions sur les députés, gestion des carrières : Alliance, un État dans l’État ?
Tabasseurs d’enfant réintégrés
Fabien Vanhemelryck est le patron du syndicat policier Alliance, il est régulièrement invité sur les plateaux télé pour dérouler des éléments de langage ultra-répressifs. Une enquête de France 2 révèle que cet homme a personnellement défendu deux policiers de Pau qui avaient tabassé pendant treize minutes un adolescent menotté.
Les faits ont eu lieu en octobre 2019 à Pau. Un mineur de 16 ans est arrêté et emmené au commissariat. Les policiers Lionel D. et Jean-Christophe V. vont se défouler sur l’adolescent : menotté, assis sur un banc, il reçoit des gifles, des coups de poing et des coups de pied répétés, le piétinent, l’insultent, lui crachent dessus, lui écrasent la tête sur le sol. Le jeune homme aura un tympan perforé.
Même les autres policiers témoins de la scène sont choqués : «C’est d’une violence inouïe. [Ils] lui mettent des coups de pied dans la tête, ils veulent prendre l’armoire et lui jeter dessus» explique l’un d’eux. «On était scotchés, ça nous a scié les guiboles» dit un autre. Toute l’agression a été filmée par la caméra-piéton d’un agent.
Les policiers sont jugés, condamnés à de la prison avec sursis et radiés de la police. Dès le lendemain le syndicat Alliance lance une «cagnotte de soutien» pour aider les tortionnaires. Puis Fabien Vanhemelryck s’implique lui-même, en décembre 2021. Auprès du Ministère de l’Intérieur, il exige que les deux tabasseurs d’ado soient réintégrés. Et il obtient gain de cause ! Les deux agents ont retrouvé leur poste et exercent de nouveau à Pau.
Menace factieuse
«Le problème de la police, c’est la justice». On se souvient de cette phrase hurlée par le même Fabien Vanhemelryck face à l’Assemblée Nationale. C’était le 19 mai 2020 et Alliance avait organisé une grande démonstration de force factieuse : des milliers de policiers avaient entouré l’Assemblée Nationale et des discours menaçant la justice étaient prononcés. La police, force devenue toute puissante et autonome, voudrait désormais en finit avec la séparation des pouvoirs, garantie minimale d’une démocratie. Rien ne différencie cette mobilisation d’une démonstration fasciste. Quelques jours plus tard, interrogé sur BFM, il dit assumer les propos «à 300%».
Attaque raciste
21 novembre 2020, un producteur de musique noir, Michel Zecler, est suivi par des policiers et tabassé dans son propre studio. Une agression caractérisée, en réunion, avec un mobile ouvertement raciste. Les policiers vont même jeter une grenade lacrymogène à l’intérieur du lieu clos, risquant d’asphyxier les personnes présentes, puis braquer les occupants avec des armes à feu. La victime en sort gravement blessée. Et il y aurait pu y avoir des morts.
Tout cela gratuitement, pour se défouler. Rien n’est reproché au producteur. L’attaque raciste est filmée entièrement par une caméra installée dans le studio. Pourtant, malgré des faits accablants. Alliance se précipite pour soutenir les agresseurs. Le syndicat osera même dénoncer le «déchaînement» dont seraient victimes les policiers. La page Facebook du syndicat diffuse alors une cagnotte de soutien pour les policiers, récoltant des milliers d’euros.
Une histoire de stylo
Juillet 2018. Une affaire défraie la chronique à Marseille. Deux policiers, âgés de 31 et 41 ans, ont frappé gratuitement un adolescent tellement fort qu’ils lui ont fracturé le plancher orbital. Mais ils ont laissé une «preuve» sur les lieux : ils ont fait tomber un stylo de leur syndicat au moment de l’agression. Un stylo Alliance. L’enquête a aussi permis de trouver l’ADN d’un policier sur la veste de la victime. Malgré un rapport que même l’IGPN juge «accablant», Alliance va soutenir les agresseurs. Ils seront néanmoins condamnés.
Des pratiques mafieuses
Alliance est une mafia interne à la police, qui fait peur à tout le monde. Le Canard Enchaîné rappelait une série de coups de pression hallucinants dans son numéro du 21 juin 2022. Un «grand chef» du syndicat a été arrêté au volant en état d’ébriété au mois d’avril. Alliance a passé des coups de téléphone, a envoyé ses militants mettre un coup de pression au commissariat où était embarqué le chauffard, qui a été relâché sans poursuite.
Une policière de Seine-Saint-Denis a couvert son mari qui a commis des vols et entreposé ses larcins dans leur appartement – on appelle cela de la complicité et du recel en langage flic : Alliance a mis la pression pour qu’elle soit réintégrée. Avec succès.
En Seine-Saint-Denis, une patronne de la «police en tenue» a essayé de faire le ménage dans la Compagnie d’Intervention du 93, impliquée dans une énorme affaire de racket, de vols et de violences. Alliance a obtenu la tête de cette policière. Et la compagnie mafieuse a été réintégrée. Alliance est une machine à remettre en service les policiers les plus indéfendables, les plus dangereux.
Éborgnés
En octobre 2019, Alliance organise une «marche» pour ses militants à Paris. Sur le parcours, des contre-manifestants brandissent des photos de personnes mutilées par les forces de l’ordre lors des manifestations de Gilets Jaunes. Devant ces pancartes, plusieurs policiers tenant des drapeaux du syndicat s’approchent et se cachent un œil avec leur main pour imiter les éborgnés. Sur une vidéo, on les entend crier en direction des contre-manifestants : «T’as un truc à l’œil là», «Je vois pas ce qui est marqué», les autres rient. Un autre mime un éborgnement. Tous revendiquent clairement les mutilations. Pire, ils s’en amusent.
Le syndicat écrit les lois
Les policiers ne sont pas seulement au-dessus des lois, ils les écrivent. C’est Alliance qui avait réclamé dès 2018 au Ministre de l’intérieur qu’il soit interdit de filmer les policiers. Selon le syndicat, «au-delà de la question du droit à l’image des policiers, l’enjeu est leur sécurité», la diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux les exposant à «être reconnus». Alliance réclamait donc «une modification législative de la loi sur la liberté de la presse et d’expression» pour garantir l’impunité des forces de l’ordre. Vœux exaucé, puisque deux ans plus tard, la «Loi de sécurité globale» de Darmanin comportait cette mesure.
«Tous les policiers ne sont pas violents» entend-on souvent. Peut-être. Sauf qu’Alliance représente 44,35% du corps d’encadrement et d’application de la Police Nationale française et que les autres syndicats policiers ne valent pas mieux. Non seulement Alliance ne dénonce pas les agents violents, mais les protège, les réintègre, et élimine les rares fonctionnaires qui tentent de contenir un peu la barbarie de leurs collègues.
Pire, ce syndicat puissant est très proche du pouvoir. C’est lui qui nomme, de fait, les ministres de l’Intérieur et gère les carrières. C’est aussi Alliance qui squatte quotidiennement les plateaux télés pour répandre des mensonges et orienter les sujets d’actualité. La République française est donc co-dirigée depuis des années par un syndicat policier d’extrême droite.