Autant qu’en 1995 ou qu’au début de mai 1968
À force d’arrogance et de violence, il semble que Macron ait fini par tomber sur un os. Son gouvernement misait sur la lassitude et la résignation après 6 ans d’essorage et de répression. Mais aujourd’hui, la rue lui a donné tort.
Ce jeudi 19 janvier, plus de 2 millions de personnes ont manifesté selon la CGT. Et c’est un chiffre provisoire. Même la police dévoile un chiffre de 1,12 million, en général il faut multiplier par 2 ou 3 le décompte des autorités pour se faire une idée de l’ampleur d’une mobilisation.
Plus de 2 millions, c’est historique :
- C’est plus que la plus grosse manifestation du mouvement victorieux de 1995. À l’époque, le gouvernement avait dû abandonner le «plan Juppé», qui attaquait les retraites et la sécurité sociale. Déjà.
- En 2006 la lutte contre le CPE, un contrat précaire destiné aux jeunes, provoque un énorme mouvement social, parti des universités et rejoint par les salariés. La plus grosse journée manifestation anti-CPE culmine à trois millions de personnes selon les syndicats, après deux mois de mobilisation. Ici, il ne s’agit que d’une première date.
- En 2002, Jean-Marie le Pen passe au second tout de l’élection présidentielle. C’est l’une des plus grosses mobilisations de rue de l’histoire récente. Dans l’entre-deux tours, le 1er mai 2002, il y a 1,3 millions de manifestants selon la police.
- Encore plus loin, le mouvement de Mai 1968. Lors de la journée historique du 13 mai 1968, les syndicats revendiquent jusqu’à 1 million à Paris, et un million de manifestants dans une trentaine d’autres villes du pays. Cet énorme succès populaire provoque la grève générale, qui dure plusieurs semaines, et qui a failli renverser le gouvernement. Et ce 13 mai a été comparable, en affluence, au jeudi 19 janvier 2023.
Cette journée s’inscrit donc parmi les plus grosses mobilisations de la 5ème République. Nous pouvons déjà en tirer deux leçons :
Il ne faut pas se limiter aux retraites. Si, malgré la crise sociale majeure et la précarité, malgré la peur de la répression, malgré la morosité ambiante, 2 millions de personnes sont dans la rue et encore plus nombreuses sont en grève, c’est que la colère est générale. Les attaques pleuvent de toutes part : hôpitaux à l’agonie, inflation explosive, casse des allocations chômage, lois répressives, jeunesse en souffrance… Cette première journée de grève est le symptôme d’un mal bien plus vaste, et les syndicats doivent en tenir compte.
Un chiffre ne suffit pas. Être nombreux dans la rue ne donne pas automatiquement la victoire. En 2010, une série d’énormes manifestations contre Sarkozy qui s’en prenait aux retraites n’a pas permis de gagner. À l’inverse, des Gilets Jaunes moins nombreux mais beaucoup plus incontrôlables ont fait trembler le pouvoir. De même, des grèves bien organisées dans un secteur stratégique ou des blocages ciblés peuvent gagner contre un patron ou un responsable politique, alors que des manifestations isolées ne changent rien.