2 millions, troisième mobilisation massive, et après ?


Analyse à chaud et perspectives après cette troisième journée de mobilisation


À Nantes et ailleurs : 2 millions de personnes dans la rue pour défendre les retraites. Et après ?

Depuis le 19 janvier, les journées de lutte fixées par l’intersyndicale se suivent et se ressemblent : ce sont des marées humaines historiques. Le mardi 7 février n’a pas dérogé à la règle. La mobilisation reste massive. Moins importante que le record de la précédente, et les médias des puissants s’empressent d’interpréter avec gourmandise cela comme une «baisse», mais massive tout de même. À un niveau historique, l’une des plus grosse depuis des décennies, dans un pays pourtant habitués aux grosses manifestations.

Si dans les très grandes villes, les cortèges étaient un peu moins fournis, ils sont restés très importants dans les villes moyennes et petites. Signe d’un rejet ancré partout et qui s’inscrit dans la durée. Du reste, il n’est pas étonnant que certaines personnes n’aient pas fait grève pour la troisième fois, en l’absence de montée en puissance du mouvement, par exemple avec une grève reconductible. Parfois, il vaut mieux perdre trois ou quatre jours de salaire d’affilée en bloquant tout que 5 ou 6 jours espacés d’une semaine chacun sans résultat. Par ailleurs, le début des vacances d’hiver joue dans ce petit reflux, et va jouer jusqu’à la fin du mois de mars.

Signe de la vitalité du mouvement, la jeunesse est de plus en plus présente. Une quinzaine d’universités sont bloquées ou occupées, ce qui donne un second souffle à la lutte. Les cortèges de têtes ou étudiants sont de plus en plus conséquents. L’ambiance est de plus en plus dynamique à l’avant des manifestations, surtout dans les villes à forte concentration lycéenne et étudiante. C’est bon signe, mais les vacances scolaire vont mettre un frein à cette montée en puissance. Il faudra sans doute attendre la reprise pour voir ce potentiel se réaliser pleinement. Le mouvement étudiant repartira-t-il sur les chapeaux de roue ? La présence de la jeunesse est également le signe que la contestation ne se limite pas aux retraites, loin de là. Comme en témoignent la grande majorité des slogans lus et entendus.

Le gouvernement joue la stratégie de la tension. Malgré un calme relatif des défilés, comparé aux dernières années, la police montre sa force et sa violence dès qu’elle en a l’occasion. Contre les blocus lycéens et étudiants. Contre les manifestations, à Nantes, Paris et ailleurs. Contre les rares manifs non déclarées. 11.000 policiers déployés à chaque manifestation, les CRS envoyés sur les campus, des matraques contre tout ce qui déborde le cadre syndical : le gouvernement veut aller au contact, briser les secteurs les plus motivés du mouvement. Cette guerre a une dimension psychologique.

Et si tout ceci n’était qu’un prélude ? Des appels à prolonger la grève fleurissent. Certains secteurs évoquent la grève reconductible le plus tôt possible. Même le boss de la CGT Martinez parle d’un possible durcissement du mouvement si le gouvernement reste sourd. Mais encore une fois, il faudra sans doute attendre la fin du mois de février ou début mars pour une telle perspective, après les vacances scolaires. En attendant, la journée du samedi 11 février s’annonce massive, espérons qu’elle soit rejointe par les nombreuses personnes qui soutiennent le mouvement mais qui n’étaient pas encore descendues dans la rue. Laissons place à la créativité afin de sortir des sentiers battus du cortège syndical traditionnel.

Vers une victoire de Macron à la Pyrrhus ? Dans l’antiquité, le roi Pyrrhus a gagné contre l’armée romaine, mais avec des pertes telles qu’il n’a jamais pu se relever ni faire face aux offensives suivante. Une telle victoire coûte cher à celui qui la remporte. Si le calendrier des journées de grève reste sur le même rythme, Macron pourrait bien réussir à imposer sa réforme malgré l’opinion très majoritairement hostile et la rue mobilisée comme rarement. Mais en ressortant très affaibli politiquement de la séquence. Il est encore trop tôt pour l’imaginer, mais dans ces conditions, c’est un printemps potentiellement révolutionnaire qui s’ouvrirait, et qui est à construire.

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