Voter des lois qui tuent des gens doit-il être débattu avec courtoisie ?
Nouveau psychodrame à l’Assemblée Nationale. Un député de la NUPES a interpellé Olivier Dussopt, ministre du Travail de Macron et promoteur de la casse des retraites. Ce député a rappelé la forte augmentation du nombre décès au travail ces dernières années, sur fond de destruction des protections au sein des entreprises, avant de traiter le ministre d’assassin.
Cette simple joute a provoqué un emballement politico-médiatique. Tous les groupes de l’Assemblée Nationale sont venus rendre hommage et exprimer leur soutien au ministre. Le député fauteur de trouble est lui même venu s’excuser platement, avant d’être sanctionné.
Le député du PCF André Chassaigne est venu geindre au micro que «tenir de tels propos est inacceptable». Il a même répété qu’il était «choqué», «blessé et humilié», avant d’être applaudi par toute la droite et l’extrême droite de l’hémicycle. Rien que ça.
Alors, les élus qui imposent des mesures anti-sociales sont ils des «assassins» ? Selon le dictionnaire, un assassin est une «personne qui commet un homicide avec préméditation».
Le nombre de morts au travail est passé de 476 décès en 2005 à 790 décès en 2019, avec une très nette hausse sous le mandat de Macron. Les burn out ont explosé, et les accidents du travail restent très nombreux, avec plus de 656 000 personnes blessées par an, dont 30 000 gravement. Avec un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100.000 salariés, notre pays est en tête du nombre de morts au travail, bien au-delà de la moyenne de l’Union Européenne qui s’élève à 1,7 pour 100.000.
L’intervention du député est donc valable sur le fond. Mais en 2023, un député communiste est davantage choqué qu’un ministre macroniste soit qualifié d’assassin que par les centaines de morts au travail chaque année. C’est une illustration de la gauche bourgeoise et de la violence institutionnelle. Au delà des partis, ces gens appartiennent au même monde et se soutiennent, mangent ensemble et entretiennent les mêmes réseaux. Ils n’ont rien en commun avec celles et ceux qui souffrent et subissent les conséquences des décisions politiques.
Oui, les lois néolibérales votées au Parlement tuent : détruire le code du travail, repousser l’âge de la retraite, supprimer les critères de pénibilité, cela abime les corps, provoque des maladies, des dépressions, des accidents mortels. C’est factuel.
Oui, les lois répressives tuent : lorsqu’on élargit l’usage des armes à feu par la police, lorsqu’on distribue des munitions mutilantes aux agents, lorsqu’on vote des lois qui garantissent leur impunité, on est responsable de l’augmentation des morts et des blessés par la police. C’est factuel.
Les gens qui votent ces lois qui tuent des gens sont responsables. «Assassins» ? Ça se discute. Complices ? Sans aucun doute.
La bourgeoisie qui siège au Parlement parle de «délibération» de «débat d’idées» et demande le «respect», comme si les décisions politiques n’avaient pas d’influence réelle sur la vie de millions de gens. Ces députés ne sont jamais mis devant les conséquences matérielles de leurs actes et de leur choix. Ils ne supportent même plus qu’on rappellent qu’ils se sont opposés à des repas étudiants à 1€ par exemple. Ils voudraient détruire des vies en toute impunité. Ils ont même oublié qu’ils doivent rendre des comptes, et que leurs vote ont des conséquences.