Nantes, 23 mars : la déferlante


«On parle toujours de la violence du fleuve, jamais de celle des berges qui l’enserrent», Bertolt Brecht


France, Nantes – 2023-03-23. Following the adoption of the pension reform thanks to the use of the 49.3 article and the day after Emmanuel Macron’s interview during which the head of state showed himself inflexible, all the unions had called for a 9th day of a

France, Nantes – 2023-03-23. Following the adoption of the pension reform thanks to the use of the 49.3 article and the day after Emmanuel Macron’s interview during which the head of state showed himself inflexible, all the unions had called for a 9th day of action to reaffirm their rejection of the postponement of the legal age to 64 years. In Nantes, the demonstration that gathered 40,000 people was marked by violent clashes between the police and ultra-left activists organized in black bloc. Photo by Est

France, Nantes – 2023-03-23. Following the adoption of the pension reform thanks to the use of the 49.3 article and the day after Emmanuel Macron’s interview during which the head of state showed himself inflexible, all the unions had called for a 9th day of a

336722341_159765603658884_3864619148093800433_n

336722341_159765603658884_3864619148093800433_n

Jeudi 23 mars, c’est une déferlante de colère qui s’est répandue dans la ville de Nantes. Un fleuve que rien ne pouvait contenir, pas même les milices armées du pouvoir.

À 10h30, après de nombreuses actions de blocages et un rassemblement devant le tribunal, où des postiers syndicalistes sortaient victorieux d’un coup de pression de leur direction, le miroir d’eau est noir de monde. Les discours méprisants du monarque ont énervé tout le monde. Nous sommes 80.000, c’est la plus forte mobilisation jamais vue dans la ville.

Au démarrage, le traditionnel cortège de tête n’existe plus : il s’est dilué dans une multitude solidaire qui s’étend à perte de vue : des kways noirs, des chasubles rouges ou violettes, des fumigènes, de la musique, énormément de jeunes… Des complicités fortes se sont créées sur les blocages et dans les actions.

La police a bien senti ces derniers jours que ses provocations incessantes ne passaient plus. Elle reste à distance, reçoit sagement quelques feux d’artifice. D’ailleurs, une ligne de syndicalistes CGT bras dessus bras dessous, est là en plus des parapluies pour protéger le cortège.

La ville est belle : les murs sont recouverts de dizaines de tags et de dessins. Les banques sont cachées derrières des plaques de bois quand elles n’ont pas été défoncées. La métropole aseptisée, réservée aux cadres et caméras de surveillance, n’est plus, au moins pour un temps. On respire.

À la croisée des trams, un immense feu de joie est allumé, comme c’est désormais l’habitude. Il n’est plus question de suivre le parcours officiel, traquenard préfectoral, mais de tenir la rue. Le plus longtemps possible. Les dizaines de milliers de personnes se déversent sur cette esplanade, se mêlent. Une escadron de gendarmes a la mauvaise idée de tentent de percer la foule. Puis des CRS violentent des syndicalistes, dont certains aux cheveux blancs. C’est la provocation de trop. Une rage immense, accumulée, qui se répand. Les agresseurs doivent reculer sous le tonitruant : «cassez-vous». C’est le début de longues heures insurrectionnelles.

La presse raconte qu’il y aurait des “radicaux” qui affrontent la police d’un côté et une manifestations encadrée de l’autre. C’est totalement faux. Ce sont des pères de famille, parfois à visage découvert, des banlieusard-es, des lycéen-nes, des syndicalistes, des intérimaires : tout le monde s’y met. Face au commissariat, les gendarmes doivent se replier rue Kervégan. Côté Hôtel Dieu, même chose pour les compagnies d’intervention et la BAC. Les forces de répression vont rester nassées pendant des heures dans le petit carré de Feydeau, sans pouvoir en sortir.

Les tirs de grenades sont très nombreux, et le courage de la foule, qui avance est prodigieux. Des dizaines de tirs de grenades explosives GM2L font trembler les corps, et lardent d’éclats plusieurs personnes.

Plus loin, une compagnie de CRS tente une attaque. Elle est encerclée puis repoussée par la rage collective. Le temps est suspendu. La compagnie entière s’enfuit dans la cours du CHU, puis près d’un local à poubelles. La presse parle de 25 CRS touchés sur 70 hommes, la compagnie entière a été «relevée». 100 mètres plus loin, nouvelle grosse barricade. Et le Tribunal Administratif, celui qui ordonne notamment les expulsions de réfugié-es ou celles de sans logis se fait défoncer. Il y a un départ de feu dans le hall et des pavés dans la salle d’audience. Toutes les fenêtres du tribunal sont brisées.

Mais c’est n’est qu’un début. À Gloriette, la CRS 8 gaze des tracteurs. Elle doit reculer à son tour face à une détermination folle. Même chose sur la passerelle du tribunal. Quai de la Fosse, deux manifestations se séparent. L’une allume des barricades le long de la Loire et tente de remonter vers les beaux quartiers. L’autre retourne vers le centre. La BAC se cache dans un parking. Une ligne de CRS bat en retraite. Il y a encore des milliers de personnes, alors que des averses commencent à tomber. Un groupe va remonter jusqu’à la Place Bretagne, d’autres rue de Strasbourg. De nombreux feux sont allumés.

À 19h, des flammes et des détonations continuaient à la croisée des trams. Le conseil régional, sur l’île de Nantes, était privé de courant. La police chassait dans les bars tout ce qui pouvait ressembler à des manifestant-es. Une trentaine de personnes ont été arrêtées, dont 6 mineurs. Parmi eux, un collégien.


???? : James C., Estelle Ruiz, CA

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.