
«Sécurité des femmes dans l’espace public, les forces de l’ordre vous protègent» est-il inscrit sur le flyer, avec l’image d’une femme de dos, seule, face à la foule. Première question évidente : depuis quand la police nous protège ? Dans la rue, les commissariats, dans les manifestations, la police est violente et sexiste, et ce n’est pas en distribuant des bouts de papier qu’on nous fera croire qu’elle nous protège !
Refus de dépôt de plainte, culpabilisation des victimes, propos sexistes, agressions sexuelles… Non la police ne protège pas les femmes, encore moins l’ensemble des personnes sexisées, victimes de violences et de discriminations quotidiennement. Dans le mépris total des institutions policières et judiciaires, qui réitèrent elles-mêmes ce continuum de violence. On se souvient des arrestations, parfois violentes, de colleuses féministes à Bordeaux, Paris ou Nantes. On se souvient de la marche féministes du 8 mars 2020 à Paris, réprimée par la police. On se souvient des étudiantes de Nantes agressées sexuellement lors d’un contrôle après une action militante cette année. On se souvient des violences trop ordinaires commises par les agents, au sein de leurs propres familles. Comment la police pourrait-elle protéger les femmes alors que l’institution porte en elle la violence patriarcale ?
«Gérald Darmanin lance une grande opération sur la sécurité des femmes dans l’espace public» peut-on lire sur le site du Ministère de l’intérieur, qui invite même les féministes à rentrer dans la police. Le même Ministre mis en cause, qui n’a lui-même pas compris la définition du viol ? Celui qui défendait les flics ayant agressé sexuellement les étudiantes de Nantes lors de fouilles abusives ? Le même qui s’opposait à l’égalité des droits pour les personnes homosexuelles ? Celui qui militait aux côtés des royalistes réacs de l’Action Française ?
Cet homme qui, pour tenter de se redonner une conscience, mobilise des keufs pour distribuer ce type de flyers. Certes, ça les changera de la distribution de coups de tonfa et de grenades. Mais n’allons pas croire que cette opération ne soit autre qu’un coup de com’ pour faire oublier la nullité de ce gouvernement en matière de lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles.
Une opération d’autant plus hypocrite qu’elle semble oublier la réalité des violences sexistes et sexuelles. Le refus habituel des forces de l’ordre d’intervenir, notamment dans le cadre de violences conjugales ; la complaisance des flics avec les auteurs de violences puisqu’ils en font eux-même partie, comme le dénonçait le livre «Silence, on cogne». Une enquête sur les violences conjugales subies par des femmes de gendarmes et de policiers, par Sophie Boutboul et Alizé Bernard, qui recueille les témoignages de conjointes d’agents agresseurs.
C’est également oublier l’impunité judiciaire des auteurs de violences sexuelles et le taux exorbitant de classements sans suite et de non-lieu. Plus de 70% des plaintes pour violences sexistes et sexuelles sont classées sans suite, alors même qu’on estime que ces plaintes ne correspondent qu’à 10% des violences commises. Comment envisager alors que d’avertir les services de police des violences que l’on subit pourra permettre d’engager un processus de prise de conscience et de lutte contre les violences sexistes.
Le racisme de l’institution s’ajoute parfois à son sexisme. Le média indépendant Street Press révèle plusieurs cas de femmes sans-papiers victimes d’agressions, qui ont été arrêtées et placées en centres de rétention alors qu’elle portaient plainte au commissariat. Notamment Naïma, jetée à la rue avec ses 2 enfants par son mari qui, après une altercation, tente d’expliquer son histoire à des policiers… qui la jettent en cellule avant de l’envoyer en rétention en vue d’une expulsion. La double peine. Une pratique dénoncée par la Cimade : «Il faut absolument que le ministère de l’Intérieur rappelle à la police qu’il y a une obligation de prendre les plaintes des personnes victimes d’infractions ! Il n’y a ni condition de séjour, ni condition de nationalité».
Le Haut conseil à l’égalité s’inquiétait lui-même, dans un rapport rendu en janvier 2023 : «Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent et les jeunes générations sont les plus touchées». Celui-ci note que «cinq ans après #MeToo», la «société française reste sexiste dans toutes les sphères : publique, privée, professionnelle, médiatique…»
À mesure que la parole des victimes du patriarcat commence à être diffusées dans les médias et la sphère publique, les réflexes masculinistes se renforcent. Et cyniquement, les autorités s’approprient cette question pour redorer le blason des forces de l’ordre. Tant qu’un réel rapport de force ne sera pas imposé pour inverser la peur, le combat ne pourra être gagné. Optons pour l’autodéfense et la riposte féministe !
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