Cannes : le festival de la honte

Le tapis rouge est déployé sur les marches du Palais des festivals à Cannes

Le Festival de Cannes s’est ouvert (et s’est couvert de honte) ce mardi 16 mai avec le film de Maïwenn. Une réalisatrice anti-féministe de haut vol qui apparaît fièrement au bras de Johnny Deep, tête d’affiche de son dernier film, malgré deux décisions de justice qui confirment des faits de violences, notamment sexuelles, sur son ex-conjointe, Amber Heard – l’acteur mondialement célèbre a été débouté d’une plainte en diffamation contre un journal l’ayant accusé de viol, au terme d’une longue procédure rocambolesque. Son ex-compagne, victime d’une campagne de dénigrement et de menaces orchestrée par des groupes masculinistes, doit vivre aujourd’hui cachée en Europe sous une nouvelle identité. L’acteur, quant à lui, peut se pavaner au Festival de Cannes, encensé par tous les critiques et les médias.

Un choix de casting pas franchement étonnant de la part de la réalisatrice Maïwenn, qui dénigre publiquement les mouvements féministes et a même été jusqu’à apporter son soutien au réalisateur Roman Polanski, accusé de viols par 6 adolescentes depuis des décennies et qui se planque bien tranquillement en France depuis 1978 malgré un mandat d’arrêt international prononcé à son encontre par les Etats-Unis.

Pas plus défenseuse de la liberté de la presse que des droits des personnes sexisées, elle a elle-même exercé des violences à l’encontre d’Edwy Plenel, président de Médiapart. En février, dans un restaurant, elle a ainsi saisi les cheveux du journaliste et fait mine de lui cracher au visage. Une plainte a été déposée à son encontre. Droite dans ses bottes, elle assume les faits sur le plateau de l’émission Quotidien, sans apporter d’explications, au milieu de ricanements complaisants. Un lien avec les huit plaintes pour viol révélé par Médiapart concernant son ex-conjoint Luc Besson?

Il faut dire que la réalisatrice ne semble pas particulièrement sensible aux questions des droits humains… Elle a ainsi bénéficié, pour la réalisation de son film, d’un financement de l’Arabie Saoudite, un pays bien connu pour son respect des droits humains, et tout particulièrement des droits des personnes sexisées. On doit aussi à la réalisatrice le film Polisse, à la gloire des forces de l’ordre, mettant grossièrement en scène des policiers sympas, sensibles et humanistes qui sauvent des enfants.

Dissonance cognitive donc lors du discours d’ouverture de l’actrice Chiara Mastroianni qui s’exclame : «N’oublions pas, ce festival est né d’une indignation, d’une colère, d’un acte de résistance». Plus rien de très résistant aujourd’hui… Elle ajoute : «La raison d’être de ce festival est et demeure l’exaltation de notre liberté». Drôle de formulation alors même que toutes les manifestations ont été interdites par la préfecture aux alentours du festival afin de museler la contestation qui continue de gronder. Et que la «résistance», la vraie, reçoit actuellement grenades et des balles en caoutchouc.

Parmi la crème de la crème des antiféministes, on reconnaît également Catherine Deneuve, invitée d’honneur de la cérémonie. La même qui, suite au mouvement Me too, avait honteusement signé une tribune pour défendre «la liberté d’importuner», comprenons par là : le harcèlement de rue.

On note aussi la sélection du film de Catherine Corsini, dont les aides publiques accordées par le Centre National du Cinéma se sont vues retirer pour cause d’infraction à la législation sur la protection des comédien-nes mineur-es. Des signalements ont également été transmis à la brigade de protection des mineurs concernant des scènes sexualisées mettant en scène des adolescent-es. Une plainte pour agression sexuelle a également été déposée par une jeune actrice…

Le petit monde du cinéma n’a pas non plus réagit aux treize témoignages de violences sexuelles commises par Gérard Depardieu, ou encore des neuf autres incriminant Luc Besson, révélés par Médiapart… Silence généralisé.

Les accusations de sexisme et de violences misogynes ne sont pas nouvelles dans le beau monde du grand écran. Le 10 mai, l’actrice Adèle Haenel a ainsi annoncé avec une grande dignité qu’elle arrêtait le cinéma, refusant de cautionner «la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels», et accusant la profession de «se donner la main pour sauver la face des Depardieu, des Polanski, des Boutonnat». Plus largement, elle dénonce également «la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est». «Je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir» annonce t’-elle courageusement! Comme le disait si bien Virginie Despentes : «On se lève, et on se casse !»

Rappelons qu’en 1968 le festival de Cannes a été perturbé et même interrompu en soutien à la révolte du moment. Il faut dire qu’à l’époque, le monde de la culture avait encore un peu de courage et de conscience politique. Cette année, c’est un festival bouffi de suffisance dans une ville en état de siège policier.

Les raisons ne manquent pas donc à vouloir perturber cet événement, microcosme des puissant-es où règne le silence et l’impunité. Dans le cadre du mouvement social, des actions «surprises» ont été promises par la CGT. Un bon moyen de gagner des points dans le classement de l’interville du Zbeul !


Sources :

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