Drames humains et violence coloniale à Mayotte


Un ouvrier contraint de détruire sa propre maison meurt suite à un malaise


Image de maisons détruites et d'un blindé de la gendarmerie à Mayotte

À Mayotte, l’État français organise l’opération «Wuambushu», qui signifie reconquête. Des milliers de forces de l’ordre appuyées par des bulldozers rasent des bidonvilles et arrêtent des centaines de personnes. Il s’agit d’expulser de cet archipel, territoire français de l’Océan Indien, des personnes nées sur l’île voisine, qui n’est pas française. Des vies y sont brisées tous les jours.

Malaise mortel d’un ouvrier

Lundi 22 mai, les autorités ont organisé la destruction totale d’un quartier dans le nord-est de l’île : une zone baptisée Talus II. En guise de main d’œuvre pour détruire les habitations : des travailleurs locaux. Un ouvrier missionné pour la démolition vivait justement dans le quartier de Talus II «de longue date et avec sa femme et ses trois enfants». Il avait «demandé à son employeur des congés afin de s’occuper du déménagement et pour ne pas que lui et sa famille assistent à la destruction de leur domicile». La demande lui avait été «refusée». Autorités et patronat ont mis cet homme dans une situation intenable. Cet ouvrier a fait un malaise devant sa propre case, qu’il devrait démanteler.

Victime d’un AVC, l’homme est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, et a été inhumé ce mercredi. Entre-temps, son quartier a été entièrement rasé. Sa famille a tout perdu. Le journaliste Grégoire Mérot sur place confirme qu’il avait demandé un congé “pour ne pas assister à la démolition. Il me l’a dit plusieurs fois avant le jour de la destruction, sa famille et ses amis me l’ont répété ensuite. Il faisait partie des requérants dans les recours auprès du tribunal administratif, il était très inquiet de l’opération. Il voulait mettre ses enfants à l’abri, les sécuriser physiquement et moralement”.

Blocages d’hôpitaux, élèves abandonnés

Le journaliste Louis Witter, qui couvre l’opération à Mayotte, rapporte d’autres drames humains provoqués par les autorités françaises. Par exemple la jeune Yanine qui devait passer son oral d’anglais au bac. «Alors que son quartier a été détruit dès 5h30 et qu’elle déménageait ces dernières heures ses affaires avec ses parents, elle n’a pas pu s’y rendre. Pour le rectorat joint par téléphone, “ça ne l’empêchait en rien de se présenter”.»

Louis Witter a aussi vu, dans ce quartier du Talus II, les habitants détruire «d’eux-même leurs cases en tôle avant l’arrivée des forces de l’ordre accompagnées des machines de chantier», pour mettre les matériaux et leurs affaires à l’abri.

Le journaliste a aussi constaté le blocage des hôpitaux par les soutiens de l’opération policières. Les habitants «de souche». Ces personnes empêchent l’accès aux centres de soin, pour priver les «étrangers», venus de l’île voisine, d’accès aux soins. Les forces de l’ordre laissent faire. Résultat : des blessés graves ou des femmes enceintes ne peuvent pas aller à l’hôpital. Et cela dure depuis des semaines.

Armes à feu

À Mayotte, la police tire à balles réelles. Dès le 27 avril, près du village de Tsoundzou, les policiers de la fameuse CRS 8 ont sorti leurs armes à feu pour tirer sur des «assaillants». 12 tirs. On ne saura pas s’ils ont blessé, voire pire, puisque les personnes sans papiers ne prennent pas le risque d’aller à l’hôpital et ne peuvent de toute façon pas y accéder. Le 22 mai, au moment de l’opération de destruction de bidonvilles, les gendarmes ont à nouveau dégainé leurs armes de service et «tiré en l’air» pour intimider la population. «Nos gars étaient à court de grenades» explique un gradé dans le Canard Enchaîné du 24 mai. Sur l’archipel, le RAID est également déployé : cette section militarisée de la police, en principe réservée au terrorisme et au banditisme, félicitée récemment par Darmanin, y installe une antenne.

Voilà le degré de violence commise au nom de la «lutte contre l’immigration clandestine». L’État colonial et raciste impose sa force à l’autre bout du monde. Aux confins de l’Empire, on habitue les CRS à dégainer, à tirer. À déshumaniser des habitants. Demain, ces pratiques seront intégrées au maintien de l’ordre dans les villes de métropole. En matière de répression, «l’exception» finit toujours pas devenir la norme.

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