Parcoursup est un outil du maintien de l’ordre, protégeant la bourgeoisie d’une population qui risquerait de bousculer l’ordre inégalitaire que le capitalisme nous impose
L’accès à l’enseignement supérieur : le mythe de la méritocratie
Inaugurée dans l’urgence en 2018, cette plateforme web où les lycéen-es inscrivent leurs choix d’études supérieures prétend remédier à l’afflux des candidatures à la fac, en procédant à une sélection entre les futurs étudiant-es. L’objectif affiché était de réduire les inégalités et supprimer l’injustice que représentait le tirage au sort des candidat-es pour l’accès à certaines filières en tension, notamment les STAPS.
Plutôt que de réfléchir aux moyens de créer de nouvelles places à l’Université afin de donner la chance à toutes et tous d’accéder aux études supérieures à celles et ceux qui le souhaitent, la macronie impose donc un mode de sélection tout à fait opaque et élitiste. Selon les calculs du Monde, en 2022 «Parcoursup n’aura pas permis d’intégrer l’enseignement supérieur» pour 182.000 candidat-es. Cette sélection opère un tri social, comme le déplore Johan Faerber dans son ouvrage “Parlez-vous le Parcoursup ?” Ce choix politique de rendre les études inaccessibles à toutes et tous s’inscrit dans une vision sociétale méritocratique et inégalitaire. Il a aussi pour effet de transformer l’Université en “dernier choix” et valide l’idée d’une “fac poubelle” qui accueille les restes de Parcoursup.
Car au même titre que l’ensemble des services publics français, l’Université manque cruellement de moyens. Aucun investissement, aucune création d’université n’a été mis en place ces dernières années pour faire face au nombre croissant d’étudiant-es. Une réalité qui profite aux écoles supérieures privées, souvent hors de prix, et accessibles à une petite élite bourgeoise, ou à des classes moyennes-supérieures qui vont parfois s’endetter pour investir dans l’éducation de leurs enfants, sans garantie de réussite.
Refuser d’accorder des moyens à l’Université publique, c’est priver les classes populaires de l’accès à un enseignement supérieur de qualité (y compris dans les filières courtes, IUT ou BTS, désormais bouchées) et donc à des fonctions socialement valorisées. Autrement dit, c’est maintenir les classes populaires à leur condition de classes populaires, dominées socialement, professionnellement et économiquement. Parcoursup est un outil du maintien de l’ordre, protégeant la bourgeoisie d’une population qui risquerait de bousculer l’ordre inégalitaire que le capitalisme nous impose.
Transformer des inégalités de naissance en inégalités de mérite
La perversité de Parcoursup réside dans l’idée de “méritocratie” : il s’agit bien d’un maintien de l’ordre, mais qui paraît “juste” (on sait à quel point le gouvernement macroniste est attaché à la notion de justice). En effet, ses algorithmes automatisés font de Parcoursup un outil quasi-scientifique, mathématique, inattaquable. C’est en tout cas ce que le ministre Jean-Michel Blanquer répondait aux profs, lycéen-nes et parents en colère lors de sa mise en place. Et pourtant, quatre ans après, force est de constater que cette usine à gaz a renforcé les inégalités en plus d’être une débauche d’argent public, de temps de travail et d’angoisse pour les élèves de terminale.
Car les algorithmes de Parcoursup sont bien façonnés par des humains, une entreprise privée proche du gouvernement ayant un but politique assumé : transformer l’héritage culturel, par définition injuste, en mérite résultant de l’effort. Faire de l’injustice une forme de justice. Une perversion des missions de l’école qui était déjà dénoncée par Pierre Bourdieu dans les années 1960 et qui atteint désormais son paroxysme. Pour obtenir une place dans l’enseignement supérieur il vous faudra soit témoigner de votre héritage culturel, soit de votre docilité envers les institutions.
- Vous vous organisez politiquement et participez à un blocus ? Des points en moins dans Parcoursup.
- Vous saluez le drapeau tous les matins durant votre SNU ? Des points en plus dans Parcoursup.
Et dire qu’on se moquait du crédit social chinois, que dire de la sélection française de l’enseignement supérieur ?
Parcoursup accompagne la casse de l’Université
Le manque de moyens de l’Université publique, c’est aussi la disparition des postes de professeur ou maître de conférence (MCF), des statuts d’enseignant-chercheur qui faisaient la renommée de l’Université française. Désormais, beaucoup des enseignant-es embauché-es ne le sont plus au sein d’un laboratoire de recherche : en signant un contrat “LRU” ces profs acceptent une charge de cours plus importante pour un salaire plus faible que sous le statut de MCF. Mais les cours à la fac, ce sont aussi près de 4 millions d’heures de cours annuelles qui sont dispensées par des enseignant-es précaires, aux statuts instables de “chargé-es de cours” ou de “vacataires”, payé-es largement en-dessous du SMIC horaire. Un statut toujours précaire et de plus en plus utilisé, qui nécessite soit d’être inscrit-e en doctorat, soit de fonder son auto-entreprise.
Oui, vous avez bien lu : l’ubérisation n’échappe pas à l’Université, qui exploite de plus en plus d’indépendant-es pressurisé-es qui subissent le management toxique de leurs employeurs, devenus clients. Une enseignante vacataire de l’Université de Nantes nous indique que, les premières années (nécessitant plus de préparation), elle était rémunérée moins de trois euros brut de l’heure sous ce statut, sans possibilité de faire valoir ses droits sous peine d’être blacklistée. Le sentiment constant d’être sur la sellette, de ne pas voir son contrat renouvelé l’année suivante : rien de plus pratique pour instaurer la peur et faire taire toute contestation dans les services publics.
Parcoursup représente donc un double symbole : celui de l’injustice pour les élèves qui passent le bac et voudraient rejoindre les bancs de la fac, celui de la misère pour les travailleurs et travailleuses de l’Université. Dans tous les cas, Parcoursup est à l’image du projet macroniste : un ordre social injuste maintenu par des dispositifs violents (physiquement ou symboliquement). Face à l’ordre bourgeois, à nous de nous organiser pour faire sauter les verrous qui ferment l’Université.
5 réflexions au sujet de « Parcoursup : un algorithme élitiste pour éviter d’ouvrir des places à la fac »
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