Tout le monde déteste Blanquer. Tout le monde d’un peu sensé et n’ayant pas des intérêts privés dans le démantèlement de l’école en tout cas.
Blanquer a ses soutiens
L’enseignement privé, auquel Jean-Michel Blanquer a offert un beau cadeau en rendant l’école obligatoire à partir de trois ans. Si dans les faits presque rien ne change, la plupart des enfants de trois ans étaient déjà scolarisés auparavant, cette mesure s’accompagne d’un nouveau statut pour les maternelles privées, qui recevront entre 100 et 150 millions d’euros par an de la part des collectivités.
Blanquer a des copains
Toute une clique de laïcards réacs, le Printemps Républicain en tête de gondole. La laïcité, oncle Fétide n’a que ce mot-là à la bouche, mais son haleine pue le racisme à plein nez. Stigmatiser les musulmans et, surtout, les musulmanes, pour séduire les racistes de droite extrême qui n’aiment pas trop les arabes. L’École de la République OK, mais Blanquer a oublié de mettre à jour son logiciel car il est resté bloqué à la troisième version, à la république de Ferry, de l’instruction obligatoire, du contrôle des classes dangereuses et de nos ancêtres les gaulois. Attention, quelques anarchistes bien intentionné-es pourraient se remettre à la propagande par le fait.
Blanquer a des clients
Des entreprises à la pointe de la start-up nation, qui se lancent dans l’e-learning et l’éducation numérique, le soutien scolaire et la prépa concours. On ne parle pas ici des profs qui donnent quelques cours parfois rémunérés à des élèves en difficulté, mais d’un système bien rôdé, qui a fait ses preuves. D’abord, il faut casser la machine collective, l’Éducation Nationale, rendant sa tâche impossible et poussant des élèves dans la difficulté. Ensuite, en fonction du milieu d’origine des élèves, plusieurs possibilités :
1 – Les classes supérieures n’ont pas de difficultés, elles parlent déjà le langage de l’école, elles utilisent l’école, elles fabriquent l’école. Les stages de préparation aux concours viennent renforcer leurs avantages et les rejetons de la bourgeoisie peuvent intégrer les filières les plus prestigieuses du pays, obtenant parfois même des bourses pour ça (de bien mal nommées bourses « au mérite », alors que ce sont des bourses « aux résultats », comme la bourse d’excellence Lavoisier que Jean-Mi a reçu du Ministère des Affaires Étrangères). Par ce système, les entreprises s’assurent une main d’œuvre qualifiée et performante, et des profits.
2 – Les classes moyennes, bien conscientes de l’importance du diplôme sur le marché du travail, se ruent sur des cours particuliers pour que leurs enfants surmontent les difficultés et « réussissent » (la réussite étant l’obtention d’une place en BUT Gestion des Entreprises et Administrations ou une autre filière faisant miroiter une bonne place dans un système économique de connards). Par ce système les entreprises s’assurent une stabilité et une légitimité, et des profits.
3 – Les classes populaires peuvent bien aller crever la gueule ouverte, elles sont la dernière roue du carrosse, une variable d’ajustement qui fait tenir la société capitaliste, par définition injuste et inégalitaire. Parcoursup se chargera donc d’évincer les enfants de pauvres de l’enseignement supérieur, qui pourront joyeusement grossir les rangs de l’armée de réserve du prolétariat. Entre chômage et précarité, l’école n’a rien à leur offrir, si ce n’est quelques places au soleil (si peu) pour que Jean-Michel puisse promouvoir l’école du mérite, l’égalité des chances, la preuve par l’exemple que si vous êtes sage votre maître vous donnera des croquettes. Par ce système les entreprises s’assurent une main d’œuvre docile et bien dressée, et des profits.
Blanquer a des preuves
Sa politique se fonde sur la science, et même sur les neurosciences. Les études sur le comportement du cerveau sont légion, Stanislas Dehaene en est le général (ou plutôt le président du conseil scientifique de l’EN). Pour ce courant de cognitivistes neuropédagogues, l’élève ou l’enseignant-e n’est qu’un outil au service d’une cause plus grande : apprendre.
Mais comme l’indique le pédagogue Philippe Mérieu «le « comment? » éclipse complètement le « pourquoi? » : les neurosciences nous expliquent, par exemple, comment améliorer les techniques de mémorisation, mais ne peuvent, d’aucune manière, nous dire s’il vaut mieux faire mémoriser des poèmes romantiques, des sourates du Coran, des listes de vocabulaire, des théorèmes mathématiques ou des cartes de géographie. Elles ne nous disent pas, non plus, comment mobiliser l’attention et l’engagement des élèves dans un travail de mémorisation. Elles sont porteuses, à mes yeux, d’une conception étriquée, techniciste et dangereuse, de l’efficacité».
Si les apprentissages manquent de sens, c’est peut-être qu’il y a une raison cachée, inavouable (du moins publiquement). Peut-être que les points précédents pourraient nous aider : le sens de la pédagogie imposée par Blanquer, c’est celui du racisme, de l’école à la papa, c’est l’assujettissement aux profits des entreprises, c’est l’inverse de l’émancipation : l’asservissement.
Blanquer a un virus
Le coronavirus, passé d’opportunité libérale à épine dans le pied du ministre. Les grèves enseignantes, pourtant massives, n’étaient pas parvenues à enrayer la machine à broyer du blanquerisme, et la mise en place à marche forcée d’une école à distance sans moyens supplémentaires a précipité l’Éducation Nationale toute entière dans les solutions numériques privées de la start-up nation.
Mais alors qu’il cherche à maintenir les écoles ouvertes à tout prix, maintenant que l’entreprise a mis le pied dans la porte de l’éducation, Blanquer a un problème : son discours absurde ne passe plus, ses contradictions lui pètent à la gueule, son colloque de la honte est scruté en direct sur Internet et la colère est si grande, si massive, qu’il n’y a plus que quelques macronistes lobotomisé pour croire qu’il puisse être de bonne foi.
Blanquer est une merde
Pas une semaine ne passe sans que #BlanquerMent ou #BlanquerDégage ne soient en tendance sur Twitter, pas une salle des profs où le simple nom de Blanquer, ou juste Jean-Mi, ne déclenche une flopée d’insultes fleuries de la part d’un agrégé de lettres bien sous tout rapport.
Le constat est amer pour l’homme au profil de béluga : en-dehors de ses amis, tout le monde le déteste, plus personne ne croit ce qu’il dit. S’il lui restait un peu de dignité, Blanquer aurait déjà démissionné depuis longtemps. Malheureusement, sa dignité, il l’a perdue en jouant à cache-cache pour faire la promotion des sports de plein-air, entre deux réunions de promotion militariste du SNU.