Au Sénégal, des armes françaises tirées sur la population

Photographies de la police sénégalaise utilisant des armes de fabrication française

Au Sénégal, un soulèvement est en cours contre le président autoritaire Macky Sall. Au pouvoir dans ce pays d’Afrique de l’Ouest depuis 2012, le chef d’État veut se maintenir à la tête du Sénégal par un troisième mandat en 2024, et a fait emprisonner son principal opposant, Ousmane Sonko, accusé de «corruption de la jeunesse». Face à ce coup de force et sur fond de crise sociale aiguë, la population se révolte de puis plusieurs semaines.

La police et l’armée du Sénégal répriment très violemment les manifestations. Amnesty International recense la mort d’au moins vingt-trois personnes, dont 3 enfants, lors des manifestations du 1er et 2 juin 2023. Depuis le 1er juin, 390 personnes ont été blessées d’après la Croix-Rouge sénégalaise. Entre autres actes inqualifiables, les forces de l’ordre sénégalaises ont utilisé des civils pour se protéger des jets de pierre. Une image marquante filmée début juin montre un enfant maintenu par les forces de l’ordre en première ligne en guise de bouclier humain face à la foule en colère. Il s’agirait d’un jeune garçon de 8 ans.

Ces derniers jours plusieurs personnes, y compris extérieures aux manifestations, ont été touchées par des tirs d’armes à feu. La police et ses auxiliaires pro-gouvernement utilisent autant des balles réelles que des armes du maintien de l’ordre pour écraser la contestation. Parmi les munitions utilisées, la plupart sont fabriquées en France.

Le 23 mai, au début du soulèvement, un manifestant sénégalais publie sur Twitter un tas de grenades lacrymogènes et explosives ramassées dans la ville de Ziguinchor, au sud du pays. Elles ont été achetées à la France et produites par l’entreprise Alsetex. Les manifestants français reconnaîtront aisément ces munitions abondamment utilisées ici aussi.

Pour tirer ces grenades, les forces de l’ordre du Sénégal utilisent un lanceur 56 fabriqué par la firme Lebel, le nouveau nom de Verney-Carron. Cette entreprise basée à Saint-Étienne fabriquait le célèbre Flash-Ball.

Un média sénégalais montre également la police utiliser une batterie de lanceurs Cougars, les mêmes que ceux utilisés par la police française, mais assemblés pour tirer des rafales de grenades simultanément. La photo a été prise en 2021, lors d’affrontements antérieurs, mais l’équipement est bien utilisé par la police du Sénégal.

Plusieurs reporters sénégalais évoquent l’usage de grenades explosives GM2L, des armes de guerre, les mêmes qui ont été massivement tirées à Sainte-Soline récemment et dont la police abuse de plus en plus en manifestation. À Nantes un homme a été mutilé à la main par une de ces grenades le premier mai dernier.

La vente d’armes françaises est un business lucratif. En février dernier, le ministre des armées Sébastien Lecornu annonçait la vente d’équipement militaire au Sénégal lors d’un passage à Dakar, dans le cadre d’une tournée africaine.

Pour rappel, la France est l’un des premiers exportateurs d’armes du monde. Non seulement des armes militaires, mais aussi des armes de maintien de l’ordre. Les munitions du concepteur français du Flash-Ball ont été vendues au Portugal, en Slovaquie, au Maroc, au Sénégal ou en Indonésie. Durant la vague d’insurrections qui s’est emparée du monde arabe en 2011, les policiers du Bahreïn, un petit royaume du Golfe, ont asphyxié des dizaines de personnes en tirant des grenades lacrymogènes directement dans leurs domiciles. Des grenades de chez Alsetex.

En juin 2013, le peuple d’Istanbul prend la rue contre le président autoritaire Erdogan. La police turque tire systématiquement ses lacrymogènes en tirs tendus. Plusieurs manifestants sont tués, notamment Berkin, 15 ans, après avoir reçu une grenade dans la tête. Deux ans plus tôt, le ministre de l’Intérieur français avait signé avec le gouvernement turc un «accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure».

À l’automne 2014, au Burkina Faso, une série d’émeutes chassent le chef d’État. Il y a plusieurs morts et des blessés. Les manifestants ramassent les cartouches tirées : des grenades françaises.

Lors des révoltes libanaises de 2020, la France a fourni des grenades lacrymogènes et des munitions «non létales» pour réprimer les manifestations. De même, des canons à eau français étaient utilisés contre les protestataires de Hong Kong en 2019. Pendant l’insurrection chilienne de la même année, le gouvernement chilien sollicitait la police française pour des formations. Plus récemment au Qatar : la France a envoyé des policiers et des gendarmes pour superviser la sécurité de la coupe du Monde de cette monarchie gazière. L’expertise de la police française dans la barbarie répressive est reconnue mondialement.

Dans le monde entier, les firmes qui fabriquent les armes qui frappent nos corps font aussi du profit grâce aux commandes de régimes répressifs partout dans le monde. Et les usines qui produisent et disséminent leurs armes aux quatre coins de la planète ne le font pas seules . Tout est supervisé par le sommet de l’État français, directement responsable des exactions…


Quelques sources :

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