Tentative de bilan des deux dernières nuits de soulèvement
Dans la nuit de jeudi à vendredi, 500 bâtiments publics et 1900 véhicules ont été incendiés, soit plus que lors du plus haut niveau de tension des émeutes sans précédent de 2005. Malgré le déploiement de dizaines de milliers de policiers et d’unités anti-terroristes lourdement armées et 667 personnes interpelées, le pays est hors de contrôle suite à l’exécution filmée du jeune Nahel par un policier.
C’est un trop plein qui déborde, longtemps contenu, sur fond de crise politique et sociale. Une braise qui couvait, qui se rallume brutalement. Nous avons essayé de faire un bilan des deux dernières nuits de révolte, pour comprendre de l’ampleur de l’évènement, qui est d’ors et déjà une page de l’histoire.
Lieux de pouvoir / administrations
De nombreuses mairies ont été prises pour cible. À Mons-en-Barœul, près de Lille, la mairie a été pillée, incendiée, et du matériel de police a été récupéré.
En région parisienne, les mairie de Clichy-sous-bois, d’Arcueil, de Drancy, de Nogent, de Montreuil, de Sannois ont été attaquées ou incendiées. De même qu’une mairie annexe à Nantes, que celle d’Halluin dans le Nord, d’Anemasse en Haute Savoie, de Fameck en Moselle, de Maubeuge dans le Nord, de Nancy, du Neuhof à Strasbourg, de Wazemme à Lille, de Mainvilliers dans l’Eure-et-Loire…
Le centre des impôts du XXème arrondissement de Paris a été attaqué. Le Centre des Finances Publiques de Montpellier incendié. À Vandœuvre, près de Nancy, le bureau des finances publiques a été pris pour cible durant la nuit. La voiture du maire de Saint-Pierre-des-Corps dans l’Indre-et-Loire a été brûlée. À Pauillac petite ville de Gironde, la voiture du député raciste De Fournas qui avait hurlé au Parlement «qu’ils retournent en Afrique» a été saccagée.
Lieux de répression
De très nombreux commissariats ont été incendiés, notamment celui de Reims, qui a aussi été pillé par des émeutiers qui sont sortis avec des uniformes de police et du matériel de maintien de l’ordre.
Le commissariat de Bagnolet, dans le 93, a brûlé, comme celui de Woippy en Moselle, de Séclin, de Dammarie-les-Lys et de Lisse en banlieue parisienne. De même à Pau et Avignon ou, chose inimaginable, à Cholet dans le Maine-et-Loire ! Toutes les voitures d’un commissariat de Neuilly-sur-Marne ont brûlé. À Lyon et à Noisiel (Seine-et-Marne), des postes de police ont été attaqués à coups de feux d’artifice. «Plusieurs commissariats sont à court de munitions» selon BFM TV.
Dans la ville du Port à la Réunion, une «maison de la justice et du citoyen» a été incendiée. Un brasier a été allumé devant la préfecture de Marseille. À Créteil, le palais de justice a été pris pour cible.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, des émeutiers ont tenté de pénétrer dans l’enceinte de la prison de Fresne pour libérer les détenus. Des forces d’élite ont été envoyées en urgence et des alarmes déclenchées.
Grande distribution / commerces
Plusieurs Mac Donald’s ont été attaqués et pillés en région parisienne : à Evrv, Châtillon, Vauban, Orly ainsi qu’à Nantes, où les émeutiers se sont notamment servis des glaces. Un Mac Donald’s a été incendié à Laval, en Mayenne.
Des pillages ont eu lieu jusque dans les beaux quartiers de Paris jeudi soir. Les boutiques de la rue de Rivoli ont été envahies, la police étant débordée. Une enseigne de Louis Vuitton a été dévalisée. Les magasins de Châtelet les Halles, au cœur de la capitale, ont été pillés.
Pillage également dans le grand centre commercial d’Évry, le magasin Darty à Bondy, le magasin Aldi à Sarcelles, le LIDL de Bellevue à Nantes. Un émeutier a volé un transpalette de marchandises à Garges-lès-Gonesse. Un magasin vendant des motos Yamaha a été pillé en Seine-Saint-Denis. Plus tôt dans la nuit, une concession Citroën avait été vandalisée et des voitures sorties.
À noter que des images montrent beaucoup d’habitant-es venir récupérer des denrées dans les magasins éventrés. Certain-es se sont d’ailleurs levés à l’aube pour se servir dans les enseignes. Les capitalistes ont poussé la précarité à un niveau tel que ces redistributions de produits de consommation sont largement compris, acceptés et même encouragés.
Une banque a été incendiée à Nanterre, un magasin Action a pris feu à Sevran ainsi que le centre commercial du Breil Malville à Nantes, et encore bien d’autres partout.
Des individus ont découpé à la disqueuse un distributeur automatique de billets à Asnières-sur-Seine.
Enfin, une armurerie a été vandalisée à Vitry-sur-Seine et plusieurs fusils dérobés.
Infrastructures
Un centre ENEDIS, qui gère le réseau électrique, a été incendié à Nanterre. Un dépôt de bus a brûlé à Aubervilliers. Dans la même ville, un énorme incendie a pris sur un chantier des Jeux Olympiques 2024. Des feux ont également été allumés le long des rails du RER A, entre Nanterre et Rueil-Malmaison.
Des tramways ont été incendiés à Clamart, à Lyon et un Busway à Nantes, ainsi qu’une grue à Toulouse. Des feux ont même été constatés à Nice et Cannes.
Des caméras de surveillance ont été détruites à coup de fusil à Vigneux-sur-Seine. À Rennes, un engin de chantier a servi à faire tomber les poteaux portant les caméras.
Tout ceci n’est qu’un modeste aperçu, incomplet, de l’onde insurrectionnelle qui balaie la France. Des centaines d’autres initiatives ont lieu partout, et il est encore impossible de toutes les répertorier. La profondeur et l’ancrage territorial de cette révolte et des gestes portés en deux jours seulement sont n’ont probablement pas d’équivalent dans l’histoire contemporaine de la France.
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