Le changement climatique va bloquer le capitalisme mondial


La sécheresse peut-elle paralyser les flux commerciaux ? C’est en tout cas ce qui se profile du côté du canal de Panama ces derniers jours.


De nombreux porte-containers vus du ciel à l'entrée du canal de Panama

Il y a plus d’un siècle, un gigantesque projet consistait à creuser un canal au centre des deux Amériques, au niveau de l’isthme de Panama, pour réduire la distance des trajets maritimes. Plutôt que de devoir contourner le continent en passant par le sud de l’Amérique, les bateaux pouvaient couper directement par le Panama, économisant des milliers de kilomètres. Il s’agissait à l’époque de travaux colossaux qui ont coûté la vie de milliers d’ouvriers et qui ont massivement facilité les transports de marchandises. 6% du commerce maritime mondial passe par cet endroit.

Ces derniers jours, des centaines de navires sont bloqués dans le canal de Panama, à cause d’une grave sécheresse. En effet, le canal n’est pas rempli par la mer : il s’agit d’un système complexe d’écluses fonctionnant avec de l’eau douce, puisque le passage se situe au-dessus du niveau du Pacifique. Il faut donc 193 millions de litres d’eau pour réaliser les 12.000 transits annuels. Cela signifie que le canal dépend des précipitations qui remplissent des lacs le long du canal pour fonctionner.

Or, l’Amérique latine est actuellement frappée par un important déficit de pluies. En Uruguay, les habitant-es n’ont plus d’eau douce dans leur robinet. Au Panama, le canal est devenu trop peu profond pour les méthaniers. L’administration du canal a imposé des limitations de navigation. Certains navires attendent ainsi à la porte depuis des semaines.

Des transporteurs font désormais un détour par l’Afrique, et le coût moyen d’un envoi express a augmenté de 36%. Le canal de Panama prévoit une baisse de ses revenus d’environ 200 millions de dollars en 2024.

En 2021 le navire Coral Crystal s’était coincé dans le canal de Suez en Égypte, interrompant temporairement le trafic. La même année, le porte-conteneurs géant Ever Given, dévié par une rafale de vent, avait bloqué cet autre canal très stratégique et paralysé le commerce mondial, faisant perdre 400 millions de dollars par heure aux multinationales ! Il ne s’agissait pas ici de causes climatiques, mais ces blocages révélaient la fragilité du capitalisme actuel, qui dépend de flux incessants, qu’il ne faut jamais stopper.

Au Panama, le blocage est provoqué par le changement climatique. En 2021, 738 économistes interrogés par l’Institute for Policy Integrity de l’université de New York estimaient le coût des dommages économiques provoqués par le réchauffement global à 1.700 milliards de dollars par an d’ici à 2025 et certaines prévisions atteignaient même 30.000 milliards de dollars par an à l’horizon 2075.

Autrement dit la sécheresse au Panama est une démonstration du fait qu’il serait moins coûteux d’arrêter immédiatement le saccage de la biodiversité et des fragiles équilibres climatiques plutôt que de continuer et provoquer l’effondrement du système, avec notamment des risques de pénurie. La dépendance aux produits transportés toujours plus loin, assemblés ou transformés depuis les quatre coins du monde est un talon d’Achille du capitalisme. Même d’un point de vue économique, la fuite en avant actuelle est irrationnelle.

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