Un retournement politique majeur s’opère. Dans l’histoire française, la droite et l’extrême droite ont été les principaux vecteurs de l’antisémitisme, de l’Action Française à l’affaire Dreyfus, de la collaboration pétainiste à la fondation du Front National par d’anciens nazis. Pourtant, cette tendance politique fait désormais bloc derrière Israël. Et si tout cela était en fait logique et cohérent. Explications :
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Dès le 7 octobre, alors que l’attaque du Hamas vient de commencer, Eric Zemmour déclare : «le combat d’Israël est celui de notre civilisation», et il assure à l’État colonial son «soutien le plus total». Pourtant, Eric Zemmour est probablement le candidat le plus médiatisé depuis des décennies à avoir tenu des propos ouvertement révisionnistes. Il a réhabilité Pétain, présenté comme «sauveur des juifs de France» alors qu’il les a déportés. Il s’est entouré d’une milice néo-nazie pour la sécurité de ses meetings. Il a également déclaré dans les médias que les enfants juifs victimes de Mohammed Merah «n’appartiennent pas à la France». Il a remis en cause l’innocence du commandant Dreyfus, cible emblématique des antisémites français il y a plus d’un siècle. Éric Zemmour est même allé jusqu’à vanter la «virilité» des nazis dans son livre «Le suicide français» : «Les soldats allemands qui défilent sur les Champs-Élysées sont impressionnants de virilité conquérante».
Son bras droit, Damien Rieu, ancien fondateur de Génération Identitaire, tweete également le 8 octobre : «Israël est l’avant-poste de l’Occident. Ceux qui veulent la détruire veulent aussi nous détruire. Ils ne font aucune distinction».
Le lundi 9 octobre, une marche pour soutenir Israël a lieu à Paris, à l’appel d’organisations juives. En fin de défilé, une partie des manifestants scandent: «Zemmour président». L’ancien candidat acclamé est salué chaleureusement par la foule. Ce jour là, peut-être pour la première fois de l’histoire, un politicien pétainiste a été acclamé par des français de confession juive.
Marion Maréchal le déclare sans fard après l’attaque du Hamas : «À cause de l’immigration, il y a désormais des millions de supporters des Frères musulmans dans tout l’Occident». «L’extrême gauche et l’immigration extra-européenne nourrissent une cinquième colonne islamiste dans notre pays qui s’exprime à travers le soutien au Hamas». Finalement, soutenir Israël, assimiler les musulmans, la gauche et le terrorisme et expulser les arabes ne font qu’un.
Libération rapporte des propos de manifestants de la marche du 9 octobre : «Même les enfants ce sont des terroristes depuis qu’ils sont nés. Il faut raser Gaza». Ou encore «il faut éradiquer Gaza et aussi la France Insoumise». Ce à quoi le responsable du Rassemblement National Julien Odoul présent à la marche répond : «c’est ce que nous allons faire». Le lendemain, le même déclare à la radio : «L’immense majorité de nos compatriotes de confession juive ont bien compris que le Rassemblement National était un bouclier pour qu’ils puissent vivre en sécurité en France». Dans la foulée, Meyer Habib, député franco-israélien et proche de Nétanyahou assure que par son soutien à Israël, «le RN est rentré dans le camp républicain» alors qu’il rappelait en 2017 les liens de Marine Le Pen avec des antisémites. Le Front National a littéralement été fondé dans les années 1970 par d’anciens SS et des pétainistes. Jean-Marie Le Pen est un antisémite notoire. En 2022, le RN faisait élire comme député M. Boccaletti, qui a fondé une librairie négationniste. Et c’est ce parti qui se présente comme «garantie de sécurité» pour les juifs ?
Un autre slogan dans cette même marche interpelle : «France Israël, on a le même ennemi». Nous avons ici la réponse à nos questions : il s’agit d’une communion raciste. À l’extrême droite, la haine des arabes est désormais plus forte que son antisémitisme historique. Et c’est dans cette haine que communient les partisans les plus radicaux d’Israël et l’extrême droite française. Ces gens transposent le conflit palestinien en France, avec un discours assumé : combattre les arabes ici et là-bas, c’est un seul et même combat commun.
Darmanin qualifie le 11 octobre le port d’un drapeau palestinien comme un acte «antisémite» qu’il faudrait sanctionner. Cet homme est issu de l’Action Française, groupe royaliste et ouvertement antisémite. Quant à Macron, il a réhabilité Charles Maurras. Ces dirigeants apportent pourtant leur soutien inconditionnel à l’État d’Israël.
Ce qui peut paraître contradictoire est en fait très cohérent. La droite et l’extrême droite propagent l’idée d’un «choc des civilisations», avec d’un côté l’occident «judéo-chrétien» et de l’autre le monde musulman. Ce récit, qui sème la division et la haine entre les peuples est un mensonge complet. Au Moyen-Âge, pendant que les rois catholiques persécutaient les juifs d’Europe, les populations juives du Maghreb jouissaient d’une relative sécurité. Beaucoup plus récemment, en Algérie durant la deuxième Guerre Mondiale, le régime de Vichy a retiré la nationalité française aux 130.000 Juifs vivant dans ce qui était alors une colonie. Et des solidarités se sont tissées entre les juifs et musulmans d’Algérie, contre les persécutions racistes de Pétain. Historiquement, il y a en fait davantage un monde «judéo-musulman» qu’un monde «judéo-chrétien». Le conflit qui déchire le proche-Orient est une guerre fratricide.
Après la seconde guerre mondiale, la Palestine a été offerte par l’Occident comme refuge au peuple juif survivant du génocide, en se moquant des populations qui vivaient sur cette terre. En sacrifiant les palestiniens, l’Europe a voulu expier ses péchés. Mais soutenir inconditionnellement Israël n’effacera pas les siècles d’antisémitisme en Europe.
Quand l’extrême droite française félicite les frappes contre Gaza, elle n’est pas du côté du peuple juif. À travers ce conflit, elle a l’impression de tuer des arabes par procuration. Mais ce n’est qu’une alliance de circonstance et il faudrait être bien naïf pour imaginer que l’extrême droite a renié ses haines originelles.
Ce phénomène a lieu ailleurs dans le monde. L’ancien président brésilien Bolsonaro avait à la fois des supporters néo-nazis et affichait des drapeaux israéliens. Comme Trump, président d’extrême droite farouchement pro-israélien et apprécié des suprémacistes blancs. Derrière ces deux hommes, des réseaux évangélistes très puissants en Amérique, qui ont un rapport mystique avec Israël : pour eux, il faut que les juifs retournent en terre Sainte pour que Jésus revienne sur terre les convertir. Ici encore, il ne s’agit pas d’un soutien sincère, mais d’une instrumentalisation millénariste.
En miroir, la droite israélienne s’est adaptée à ses supporters occidentaux. En 2015, Netanyahou déclare qu’à l’origine, «Hitler ne voulait pas exterminer les juifs, seulement les expulser», et que le génocide nazi était en réalité de la faute des palestiniens. Un propos révisionniste révoltant, mais qui alimente l’idée d’un front commun contre le monde musulman : les vrais barbares sont les arabes. Quitte à nier la réalité des crimes commis en Europe. Il s’agit d’une solidarité coloniale, contre les palestiniens et contre les minorités musulmanes qui vivent en Occident.
Ce calcul mortifère ne peut mener qu’à des guerres ethniques et confessionnelles au détriment des peuples. Les seuls gagnants de cette logique infernale sont les fascistes de tous les pays. Les adeptes d’un «choc des civilisations» plutôt que de la solidarité et de l’amitié entre les peuples.
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