17 Octobre : l’hommage aux victimes algériennes interdit


D’un colonialisme à l’autre


La journaliste Ellen Salvi de Médiapart s’étonne : «Comme chaque année, les militants associatifs voulaient se rendre près de la plaque du 17 octobre pour jeter des fleurs dans la Seine en hommage aux Algériens tués par la police en 1961. Ils en ont été empêchés par les forces de l’ordre qui ont bloqué l’accès au pont St-Michel.»

Il y a 62 ans, l’armée française est en guerre contre le peuple algérien qui lutte pour son indépendance. Elle veut maintenir l’emprise coloniale, quel qu’en soit le prix. De l’autre côté de la Méditerranée, les soldats français torturent, enlèvent, font disparaître des opposant-es et créent des camps de regroupements. L’État français expérimente ses tactiques contre-insurrectionnelles.

Pendant cette guerre, les populations maghrébines vivant en France métropolitaine subissent une répression constante et des humiliations racistes quotidiennes. Des brigades spécialement créées pour les «Nord-Africains» sèment la peur dans les bidonvilles. À l’automne 1961, un couvre-feu réservé aux maghrébin-es est décrété à Paris par le Préfet Maurice Papon.

Le soir du 17 octobre, 20.000 personnes manifestent à Paris pour la paix en Algérie et contre le couvre-feu. La police, commandée par le préfet sanguinaire qui est un ancien collaborationniste, ordonne la charge des cortèges composés presque exclusivement d’Algérien-nes.

La police frappe, tire. Dans un véritable défoulement policier, plusieurs centaines de personnes sont tabassées et jetées dans la Seine. Elles meurent noyées. Des milliers d’autres sont raflées, chargées dans des cars et expulsées vers l’Algérie. Il s’agit de la répression d’État la plus violente jamais provoquée contre une manifestation pacifique dans l’histoire contemporaine de l’Europe. C’est aussi le plus grand massacre en plein Paris depuis la Semaine sanglante, à la fin de la Commune, en 1871.

Ce crime d’État raciste est aujourd’hui encore largement passé sous silence. Pire, une partie de la classe politique continue de légitimer la colonisation et ses nombreuses exactions. Mais au moins, une poignée de résistant-es continuaient, chaque année, à commémorer cet événement, à se rassembler pour éviter qu’il ne disparaisse de la mémoire collective.

Cette année, ces commémorations ont été purement et simplement interdites. À Paris comme à Toulouse, les préfets ont publié des arrêtés empêchant ce rassemblement annuel.

À Toulouse, cette interdiction a été décidée le jour même par la Préfecture. Elle était prévue devant la gare Matabiau et organisée par un collectif d’associations et de syndicats. Le préfet de la ville explique à la presse : «Cette manifestation a initialement pour objet de commémorer un évènement tragique, historique et reconnu de l’histoire nationale mais tend à opérer un amalgame avec des événements contemporains». L’argument est le même à Paris.

En clair, puisque le gouvernement interdit les manifestations pour la Palestine, autant interdire aussi celle évoquant la guerre d’Algérie !

Les autorités témoignent ainsi leur soutien aux colonialismes d’hier et d’aujourd’hui. Un soutien à la colonisation française en Algérie comme à celle d’Israël en Palestine. Les dirigeants français disent aussi tout leur mépris pour les vies arabes, celles qui ont été jetées dans la Seine en 1961, celles qui meurent sous les bombes à Gaza en 2023.

62 ans après le terrible 17 octobre, le ministère de l’intérieur et la préfecture de police s’inscrivent dans un continuum colonial. Les musulmans et musulmanes sont toujours stigmatisées, la police continue de frapper en priorité les fils et filles de colonisé-es. Et même honorer la mémoire des combats anticoloniaux n’est pas autorisé.

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