La République, la Police et Israël


Il a osé le dire : «La haine du juif et la haine flic se rejoignent». Ce sont les mots de Darmanin le 17 octobre, à la télévision, lors d’une visite à la communauté juive. Ces propos sont à la fois faux, révisionnistes et antisémites.


Faux

Parce que la police française telle qu’elle existe a littéralement été fondée par un gouvernement dictatorial et antisémite. Le 14 août 1941, la Police Nationale naissait sous le Régime de Vichy, par décret du Maréchal Pétain. Jusqu’ici, il n’y avait pas de force de police unifiée en France, mais des polices municipales. La Direction générale de la Police française est alors créée et rattachée au ministère de l’intérieur.

Le 19 avril 1942, c’est le collaborationniste et antisémite forcené René Bousquet qui est nommé secrétaire général de la police. Les moyens alloués à cette nouvelle police Française sont exceptionnels. Les salaires sont revalorisés, les uniformes sont inspirés de ceux portés par les SS, des écoles de police sont créées dans chaque région, des affiches du régime vantent une police «jeune, moderne, sportive».

Révisionnistes

Parce que les 16 et 17 juillet 1942, des milliers de policiers français raflent plus de 13.000 juifs, hommes, femmes et enfants, pour les charger dans des trains en direction des camps de la mort, pour faire plaisir aux Nazis. Moins d’une centaine d’adultes en reviendront, et aucun enfant.

Les Groupes Mobiles de Réserve, ancêtres des CRS, sont utilisés pour constituer des pelotons d’exécution de résistant-es. Ils sont déployés contre le maquis du plateau des Glières : 3000 Gardes, GMR et Miliciens contre 500 résistant-es. D’autres attaques auront lieu, notamment dans le Limousin.

À la Libération, les complicités génocidaires de la police française ne seront jamais sanctionnées, l’organigramme de la police ne sera pas modifié jusqu’à aujourd’hui, et de hauts responsables de la police ayant collaboré avec les nazis resteront même à la tête de l’institution. Notamment Maurice Papon, qui se rendra responsable de massacres d’Algérien-nes à Paris en 1961.

Antisémites

Parce qu’en assimilant la communauté juive de France à la police, Darmanin met en danger les juif-ves. Les citoyen-nes juif-ves ne sont en rien assimilables aux violences policières, et ne doivent pas être rendu-es responsables de la répression qui révolte de plus en plus d’habitant-es de ce pays. Cette phrase est antisémite dans la mesure où elle relativise ce qu’est l’antisémitisme. Une idéologie de haine qui a engendré des persécutions et des génocides. Rien à voir avec le fait de ne pas aimer l’uniforme ou d’affronter des policiers lourdement armés en manifestations.

Ce parallèle est aussi grotesque qu’obscène. En mettant un signe égal entre la police, la République et les juif-ves, Darmanin tente d’assimiler la colère légitime contre la répression ou contre le gouvernement à de l’antisémitisme.

Prenons l’exemple de Maurice Rajsfus. Ce militant était un rescapé de la Shoah, sa famille a été arrêtée et déportée par des policiers français lors de la rafle du Vel-d’Hiv. Il avait alors 14 ans, ses parents ne reviendront jamais. Toute sa vie, il expliquera son contentieux avec la police : «Les policiers français ont volé des années de vie à mes parents. Tous ont participé aux rafles quand ils étaient requis. Pratiquement pas un seul n’a démissionné. Si la police française ne s’était pas mise aux ordres , jamais il n’y aurait eu autant de dégâts. Il y a eu 250.000 déportés de France, dont 76.000 juifs, les autres étant, pour l’essentiel, des communistes et des gaullistes…»

Il ne pardonnera jamais à la police sa collaboration. Ni ses violences passées et présentes. Autodidacte, il devient historien des violences policières, qu’il recense à partir de 1968, et ce pendant près de cinquante ans, notamment au travers du bulletin «Que fait la police ?».

Jusqu’à son dernier souffle, Maurice Rajsfus a soutenu les familles de victimes des violences d’État et combattu le racisme sous toutes ses formes. Décédé en 2020, il laisse derrière lui plusieurs décennies de travail d’archive et plusieurs livres. Si ce grand homme était encore parmi nous, il serait estomaqué de la déclaration de Darmanin. Il doit faire des loopings dans sa tombe.

Une instrumentalisation dangereuse

Ces derniers jours, des militant-es de l’Union Juive Française pour la Paix ont été mis-es en garde à vue lors de manifestations pour la Palestine. Selon Darmanin, ces personnes engagées pour l’amitié entre les peuples seraient donc à la fois antisémites et anti-flics tout en étant juives ?

En réalité, par ce genre de discours, le clan Macroniste dessine un ennemi intérieur : toutes celles et ceux qui ne soutiennent pas inconditionnellement la police ou Israël ne seraient plus «républicains» et devraient être réprimés, arrêtés, dissous. Cette instrumentalisation de l’antisémitisme au profit d’un régime autoritaire est extrêmement dangereuse.

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