Les hôpitaux de la ville de Gaza font l’objet de «bombardements incessants» depuis 24 heures, déclarait Médecins Sans Frontières samedi soir. Celui d’Al-Shifa, le plus grand de l’enclave, a été «touché plusieurs fois, y compris la maternité», selon MSF.
Le vice-ministre de la santé de l’enclave palestinienne a dit à l’Agence France Presse que 650 patients et 15.000 déplacés sont présents dans l’établissement. «Il y a eu une nouvelle frappe sur le département de chirurgie et sur celui de chirurgie ambulatoire» explique-t-il, et «les chars [israéliens] assiègent complètement l’hôpital», certains pointant leurs canons vers l’intérieur du bâtiment.
Dans un autre hôpital, celui d’Al Qods, le Croissant-Rouge palestinien annonce que tout l’établissement est «hors service et plus opérationnel» en raison de «l’épuisement du carburant disponible et des coupures de courant».
À Al-Shifa, «ils tirent sur tous ceux qui essayent de sortir de tous les bâtiments du complexe hospitalier», a rapporté le vice-ministre, des déclaration corroborées par des vidéos montrant des civils tenter de sortir de l’enceinte de l’hôpital avec des drapeaux blancs et les mains en l’air, et repoussés par des rafales. Toujours selon ce représentant, «il y a des dizaines de corps dans les rues, des centaines de blessés».
Plus affolant encore, les ONG internationales parlent de dizaines de bébés en couveuse et de patients en soins intensifs en danger de mort, faute d’alimentation électrique.
Deux bébés prématurés «sont morts parce que leur incubateur ne fonctionnait plus», faute d’électricité, racontait le Dr Mohammed Obeid, chirurgien de MSF au service de néonatalité la nuit dernière. «Un autre patient adulte est mort parce que son respirateur artificiel s’est arrêté (…) Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture» ajoute le médecin.
39 bébés pourraient mourir dans les prochaines heures. «Des infirmiers pratiquent des massages respiratoires à la main sur ces bébés» prématurés, a raconté le vice-ministre de la Santé, qui dit redouter la mort de plusieurs d’entre eux. Ce dimanche, les contacts avec l’hôpital Al-Shifa ont été perdus selon l’OMS.
Les seuils de la barbarie humaine sont atteints : près de 5000 enfants tués dans des bombardements en un mois, une population assiégée et privée de tout, des déplacements forcés de population, des hôpitaux et des écoles explosés. À présent, une armée prive délibérément d’alimentation électrique des couveuses, mettant en danger des bébés prématurés. Il est difficile de faire pire. Et tout cela dans une impunité totale, alors que le monde entier est au courant.
Il y a 30 ans, une affaire de bébés en couveuse menacés de mort avait choqué la planète entière. C’était le 14 octobre 1990. Une jeune femme du Koweït se présentant comme une infirmière avait témoigné, les larmes aux yeux, devant le Congrès des États-Unis, et l’événement avait été retransmis par les télévisions du monde entier. Elle affirmait :
«J’ai vu les soldats irakiens entrer dans l’hôpital avec leurs armes. Ils ont tiré les bébés des couveuses, ils ont pris les couveuses et ont laissé mourir les bébés sur le sol froid. J’étais horrifiée».
Ce récit horrible avait justifié l’attaque de l’Irak par l’armée des USA : la fameuse Guerre du Golfe. Mais tout était faux. Il s’agissait d’une opération de propagande pour légitimer une offensive militaire en Irak. La jeune femme n’était pas infirmière, et ce témoignage avait été fabriqué par l’agence de communication Rendon Group chargée de superviser la communication de la CIA et du Pentagone. Le gouvernement américain aurait payé 14 millions de dollars à cette compagnie pour l’avoir aidé à médiatiser la guerre du Golfe sous un jour favorable à l’intervention occidentale.
En 1990, l’horreur qu’est la mort de bébés prématurés justifiait une attaque de grande ampleur. Nous sommes en 2023, des bébés meurent, réellement cette fois-ci, dans des couveuses à Gaza, à cause d’une armée soutenue par tout le monde occidental. Ces crimes violent toutes les conventions, toutes les règles internationales, tous les codes moraux qui fondent l’humanité. Et il ne se passe rien.
Mise à jour à 18h : Le ministère de la Santé à Gaza a officiellement annoncé le décès de tous les patients des soins intensifs de l’hôpital d’Al Shifa en raison des coupures d’électricité et d’oxygène.