L’histoire de Lucas, 25 ans, est bouleversante et symbolique de la violence du néolibéralisme appliqué à l’hôpital. Le jeune homme est mort d’une septicémie après avoir agonisé pendant 10 heures dans les couloirs des urgences d’Hyères, dans le Sud-Est de la France.

Une septicémie, c’est une infection du sang que notre système de santé sait parfaitement traiter quand elle est prise à temps. Il suffit d’administrer des antibiotiques au malade, le diagnostic est simple, ce traitement est un geste médical de base. Lucas n’aurait jamais dû mourir.
Le 30 septembre dernier, Lucas est très malade : il ressent des douleurs extrêmes à l’abdomen, il a un pouls très élevé, une bactérie est en train d’attaquer son système digestif. Quand il est admis à l’hôpital à 16h, ses lèvres ont viré au bleu, il souffre le martyr, sa tension est basse, il vomit. Tous les signaux sont au rouge, pourtant l’agent hospitalier en charge de la réception oublie la moitié des éléments médicaux à indiquer. Lucas est ensuite laissé dans un couloir, sur un brancard, personne ne s’occupe de lui. La douleur est telle qu’il a des difficultés à respirer.
Les médecins l’ignorent. Il attend quatre heures dans le couloir avant de voir un premier médecin, pendant que la bactérie attaque son système. Ce médecin l’interroge «sur le fait de savoir s’il n’a pas fumé» de l’herbe, rapporte l’avocat de la famille. Lucas porte des dreadlocks.
Lorsqu’il fait un malaise, un patient qui se trouvait dans le même couloir témoigne que «deux infirmières sont passées devant lui sans le regarder». Il faut 4 heures supplémentaires pour avoir des résultats d’analyse, alarmants, qui confirment une grave infection. À 23h, des antibiotiques sont prescrits à Lucas dont l’état de santé se dégrade. Après un massage cardiaque de plus de 45 minutes, Lucas qui se trouve dans le coma, décède d’une septicémie à 2h du matin.
Pendant ces longues heures d’agonie, Lucas était seul : ses parents attendaient sur le parking de l’hôpital car le personnel avait refusé qu’ils voient leur fils. La mère du jeune défunt assure auprès de Mediapart que son fils «aurait pu être sauvé» et explique que «l’un des responsables des urgences [leur a] conseillé de déposer plainte en nous disant que les infirmiers avaient menacé de se mettre en grève suite à ce qui s’était passé».
À 0h13, juste avant la mort du jeune homme, le médecin en poste à ce moment-là consigne dans une note l’état lamentable du service : «Hôpital en tension, pas de place dans les étages, pas de box scopé dispo aux urgences, plus de brancards disponibles […], 2 médecins aux urgences ce jour : appel à plusieurs reprises de la cadre de jour et de l’administrateur de garde pour avertir de la mise en danger des patients !»
Les proches de Lucas, 25 ans, ont déposé plainte début décembre contre l’hôpital de Hyères pour «homicide involontaire».
Dans la nuit du 27 au 28 septembre, à Carhaix, dans le Finistère. Une fillette de 6 mois est décédée après avoir rencontré des difficultés respiratoires, faute de prise en charge. Le bébé n’a pas pu être admis aux urgences de l’hôpital, qui étaient fermées de 18h30 à 8h30. Le 15 août, le Figaro évoquait le cas d’un service d’urgence à Bordeaux qui triait les patients pendant l’été : «arrivés dans un état d’urgence relative, certains malades sont en urgence vitale au moment de leur prise en charge» expliquait le journal, qui rapportait le décès d’un bébé in utero.
Derrière ces drames humains effroyables, la crise de l’hôpital peut être résumée en chiffres : plus de 6.700 lits d’hospitalisation ont été fermés en 2022 et près de 30.000 depuis la fin 2016 selon une étude du ministère de la Santé.
Cela n’explique pas tout. À ce manque de moyens se conjuguent des techniques de management absurdes qui conduisent à ignorer certains malades comme Lucas, un mépris pour les patients, une déshumanisation généralisée des soignants comme des soignés… Lucas n’aurait jamais dû mourir.
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