Justice : «je suis flic, il peut rien m’arriver», «un carnage comme je les aime»
Ce jeudi 21 mars, en région parisienne, trois procès de policiers se sont tenus pour différentes infractions. Lors de ces audiences spécialisées «contentieux police», le policier Franck Verriest-Correard était jugé par la 14ème chambre de Bobigny pour de graves violences pour la 3ème fois devant ce même tribunal. À quelques kilomètres seulement, au Tribunal judiciaire de Paris, deux autres policiers ont également été jugés par la 10ème chambre, pour des faits de violences pour l’un et d’agressions et harcèlement sexuel pour l’autre.
14ème chambre, tribunal de Bobigny
Troisième condamnation pour violences à l’encontre de ce policier de 50 ans qui a, le 11 octobre 2021, fracassé le visage de deux jeunes à coup de matraque lors d’un contrôle policier. Deux dents cassées, 10 jours d’ITT. Un autre jeune, voulant porter assistance à son ami, prend alors un coups de poing du même policier au niveau de l’œil.
Ancien militaire, il a ensuite exercé, «avec virilité» comme il le dit, dans différents services de police, à la Brigade anti-criminalité (BAC) ou encore au sein de la BRAV-M, avant d’être récemment muté à Toulouse. Une longue carrière, malgré deux précédentes condamnations pour violences, en octobre 2015, puis en août 2017 pour des violences aggravées ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours. Il a également été inquiété pour une autre affaire de violences dont la procédure a été classée. On a bien affaire à un délinquant multi-récidiviste.
Le policier nie les faits. Les versions des six agents témoins divergent et vacillent, mais ils se sont tous mis d’accord sur une chose : aucun coup n’a été porté. Certains allant même raconter que le jeune se serait cassé les dents avant le contrôle. Un autre propose que ce serait après, alors que sa grand-mère témoigne avoir constaté les blessures tout de suite après l’intervention policière alors que la victime se réfugiait chez elle.
Voila donc des agents sous serment, dépositaires de l’autorité publique, qui mentent ouvertement et protègent l’auteur des violences. Amnésiques quand ça les arrange mais tous certains d’une chose : ils n’ont évidemment jamais frappé !
C’est sur les réseaux sociaux que le prévenu est plus bavard. À la suite de la publication d’une photo de la manifestation Gilet jaune du 2 décembre 2018, quelqu’un commente : «Paraît que tu as encore cassé une trique [une matraque, ndlr] ?» Et le policier de répondre : «Oui en effet ! lol» Dans un autre commentaire, il renchérit : «Quelle soirée ! Un carnage comme je les aime… lol.» rapporte le journal Libération. Sur les réseaux sociaux toujours, le policier fait état de ses lectures nostalgiques du royalisme ou encore de l’Algérie française, et s’inquiète du «Grand remplacement». Le policier ne se cache pas de ses opinions d’extrême droite, à en croire la Thin Blue Line qu’il porte sur son uniforme, «symbole prisé de l’extrême droite américaine et répandu parmi les forces de l’ordre».
Lors de l’audience, le procureur s’évertue, comme à chaque procès de violences policières, à tenter de réhabiliter l’«honneur» de la police : «Il n’y a pas de place dans la police pour des policiers violents», essayant désespérément de (se) convaincre que toute l’institution policière n’est pas rongée par la violence, le racisme et le sexisme.
Reconnu coupable, le policier a été condamné à la peine, rarement prononcée, de 6 mois d’emprisonnement, ainsi que l’interdiction définitive d’exercer le métier de policier. Il devra verser 5000 euros et un euro symbolique respectivement aux deux jeunes victimes.
10ème chambre, Tribunal de Paris
Au même moment, à quelques kilomètres, le procès d’un autre policier de 50 ans se tenait pour des faits de harcèlement sexuel sur ses collègues. C’est la qualification qui a été retenue par le Tribunal, bien que de nombreux faits d’agressions sexuelles ont été rapportées par différentes victimes, pendant plusieurs années. La procédure ne concerne qu’une seule victime, qui venait alors d’intégrer son premier poste, et à qui il a fallu des années pour être entendue. Le policier, brigadier haut placé, a en effet bénéficié du soutien de sa hiérarchie malgré les multiples accusations. À l’audience encore, sa hiérarchie lui affirme son soutien face au président d’audience.
La salle est vide, même le prévenu n’a pas pris la peine de venir. La victime, elle, par peur, préfère être représentée par son avocat. Les juges listent les faits pendant de longues minutes : des insultes continuelles, de violentes fessées répétitives, et cela sur différentes victimes… «Il lui a fouetté les fesses avec ses écouteurs», «il lui a demandé de montrer son soutien-gorge», «il lui a offert un plug anal», «il a ouvert son pantalon dans son bureau pour frotter sa gourde sur son caleçon»…
À l’énoncé de chacun de ces faits, lors de l’enquête, le prévenu a trouvé une explication, minimisé la gravité, allant même jusqu’à tout simplement nier le caractère répréhensible pénalement des faits pourtant très explicites : ce ne serait pas du harcèlement sexuel, juste des «blagues potaches» ; Ce ne sont pas des agressions sexuelles, puisqu’il «n’y a pas de connotation sexuelle» ; Ce ne sont «pas des fessées, juste des claques sur les fesses», «juste une tapette»…
Ce policier exerce dans la police depuis 2002 et ignore encore la définition juridique des infractions sexuelles et sexistes. Imaginons le nombre de plaintes refusées, de victimes insultées, de faits ignorés, d’enquêtes bâclées… Ici encore la procureure s’indigne qu’un «délinquant» soit dans la police, comme si c’était anecdotique. Les juges le condamnent à six mois d’emprisonnement assorti du sursis simple. Il lui est également fait interdiction d’exercer dans la police pendant trois ans.
Un peu plus tard dans l’après-midi, toujours au TJ de Paris, c’est un autre flic qui est jugé pour des faits de violences remontant à juin 2019. Cette nuit-là la victime, alors âgée d’une vingtaine d’années, rentre du travail à l’épicerie de son père au volant de sa voiture à 4h du matin. Devant lui, dans une rue étroite de Paris, une voiture zigzague, lentement en lui bloquant le passage. Le conducteur lui fait des appels de phare. La voiture devant lui s’arrête, les policiers à son bord, ivres, sortaient de boite de nuit. L’un d’eux va rouer de coup le jeune travailleur. Une scène d’une extrême violence.
La victime a subit de multiples coups de poing au visage, plaquée au sol, elle est étouffée par une clé d’étranglement, les coups continuent de pleuvoir… Il est ensuite traîné au sol par les cheveux par le policier «fou de rage» selon les témoins qui assistent à l’entièreté de la scène. Ceux-ci vont tenter d’intervenir mais le policier les menacent et sort sa carte de police : «je suis flic, il peut rien m’arriver». Les trois témoins appellent désespérément police secours, à plusieurs reprises avant que la police soit envoyée sur les lieux. Les deux policiers hors service reprennent alors le volant à toute allure, grillant les feux rouges en pleine capitale sous les yeux pétrifiés des témoins et de la victime qui gît au sol.
La victime tentera une première fois de déposer plainte auprès du commissariat du 9ème qui refusera de prendre sa plainte. Il faudra alors se tourner vers l’IGPN. Le policier, une fois identifié par la plaque d’immatriculation prise par les témoins, refusera de répondre aux convocations qui lui sont faites pendant plusieurs mois. Une fois auditionné, il tentera encore de sortir sa carte d’immunité : «Il dit de la merde, moi je suis policier» répète-t-il. Il faudra presque cinq ans pour que l’affaire soit enfin entendue devant un tribunal.
Une fois de plus, mensonges et faux témoignages seront la stratégie de défense du prévenu. Droit dans ses bottes, jambes grandes ouvertes, bras croisés, celui-ci continue d’affirmer devant les juges que la victime aurait tenté de le frapper en premier, sans y arriver, mais que cela aurait justifié, dans le cadre de la légitime défense, un tel déchaînement de violences à suivre. Malgré quatre témoignages accablants, il continue de nier les faits : il n’était pas violent, pas alcoolisé, pas en fuite…
Comble de l’indécence, interrogé par l’avocat de la partie civile sur les conditions de la légitime défense, le policier, qui clame son irresponsabilité pour cause de légitime défense depuis presque 5 ans, est toujours incapable d’aligner une phrase pour définir la notion juridique de la légitime défense : «c’est une atteinte… actuelle… et réelle… euh…. aidez-moi s’il vous plaît… j’ai un trou…» On aurait presque eu envie de rire, si la situation n’était pas aussi tragique et qu’un homme n’avait pas failli mourir en pleine rue dans Paris, étranglé au sol par un criminel en roue libre, doté d’une insigne de police.
Sans surprise, une telle procédure n’a pas freiné la carrière du policier, qui à la suite des faits, a intégré la Brigade Anti-Criminalité.
Et voilà que la proc nous ressort le couplet habituel : Not all cops! Se sentant obligée, encore, de réaffirmer sa «très grande confiance en la police», elle n’a pour autant pas d’autres choix que de reconnaître la barbarie dont a été l’auteur, le petit flic menteur : «On est face à un déchaînement de violence gratuite… on ne sait pas jusqu’où ça aurait pu aller sans l’intervention des témoins». Si, on le sait jusqu’où… Comme Georges Floyd, comme Cédric Chouviat, comme tant d’autres, assassinés en pleine rue, à même le sol, devant les yeux impuissants de témoins…
La proc demande 8 mois d’emprisonnement avec sursis simple ainsi que l’exclusion de la police, tout en concluant ses réquisitions en affirmant son soutien à cette institution meurtrière : «Heureusement, la police n’est pas, en soi, violente». Dissonance cognitive ou profonde bêtise, on l’ignore.
Le petit flic aux vêtements moulants est défendu par Maître Liénard, l’avocat préféré des policiers violents et star médiatique, qui n’hésite pas comme à son habitude à cracher ouvertement sur la victime qui lui fait face : le traitant d’«hystérique» à plusieurs reprises, mettant en doute sa version dans les moindres détails. Mais Liénard ne pourra faire oublier aux juges les éléments accablants du dossier. Le prévenu est reconnu coupable et condamné à 10 mois de sursis et l’interdiction d’exercer dans la police pendant 2 ans.
Trois policiers, d’unités différentes, de multiples infractions… mais une chose en commun : le mensonge. Des mensonges garantis par l’ensemble de l’institution prête à tout pour protéger sa réputation. Non, malgré ce qu’on essaye de nous faire croire, il ne s’agit pas de «brebis galeuses», la police entière est une institution de malfrats et de criminels, qui fait régner la terreur et la violence sous couvert d’impunité.
3 réflexions au sujet de « Chroniques de l’ensauvagement policier »
Les grands bourgeois cossus légitiment le vol économique par le mensonge et dirigent la société par la violence. Les cités, ou le carnage de St Soline en sont de parfaits exemples . La police est au service d’une gangrène anti sociale dont le seul but c’est de s’accaparer le pouvoir et les richesses par un tour de passe passe qu’elle opére par le mensonge et la violence. La police n’est que le reflet de la gangrène qu’elle protège.