28 arrestations à l’université d’Athènes, 9 étrangèr-es en Centre de Rétention et menacé-es d’expulsion
«Je suis en détention à Athènes, on s’est fait arrêter mardi midi». Voici les mots que N., une française vivant en Grèce depuis janvier 2023, nous fait parvenir depuis un Centre de Rétention de Grèce. Elle est actuellement enfermée, dans l’attente d’une potentielle expulsion du territoire, avec d’autres détenu-es de nationalité italienne, espagnole, allemande et britannique.
Cette procédure inquiétante, actuellement médiatisée en Grèce par les chaines de télévision de droite, vise à la fois à criminaliser les mobilisations pour la Palestine, a terroriser la solidarité internationale et a frapper le mouvement étudiant.
Revenons en arrière : lundi 13 mai au soir, les étudiant-es d’Athènes rejoignent le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine, et occupent l’université de Droit dans la capitale grecque. Comme ailleurs, la jeunesse demande à l’université «de cesser toute coopération sous forme de projets de recherche ou de programmes d’échange et de financement avec l’État israélien».
Le lendemain, la police débarque et arrête toutes les personnes qu’elle croise. 28 occupant-es, de nationalité grecque et étrangère, sont embarqué-es. Les 28 personnes sont transférées au commissariat central d’Athènes. La première nuit est difficile. N. nous raconte les «cellules provisoires immondes, couvertes d’excréments, les matelas dégoûtants». Cette première journée «on a eu une fois de l’eau et de la nourriture en 24h, on a été privés d’avocats pendant 8 heures» raconte N. Les policiers ont aussi tenté de les forcer à donner leurs empreintes.
Les étudiant-es de nationalité grecque finissent par sortir, mais les étranger-es, dont N., sont transféré-es vers un camp de rétention. «On a eu une autre procédure ouverte pour nous expulser» explique la jeune française. Dans le cadre d’une procédure d’expulsion, l’enfermement d’une personnes étrangère peut être prolongée de façon administrative, sans procès, en attendant la « reconduite à la frontière ». 9 personnes arrêtées à l’université d’Athènes sont ainsi au centre de détention provisoire d’Amygdaleza depuis 5 jours.
Dans ce camp, N. nous dit qu’au moins, elle reçoit de la nourriture, des «patates à l’eau et lentilles», et qu’elle a accès à son téléphone, «ce qui permet un contact avec l’extérieur». «Ça pourrait être pire, mais c’est très très sales, il y a de la moisissure partout, un rat mort, des trous dans le sol». Les visites sont autorisées, mais «à travers les barrières et 3 fois par semaine pendant 10 minutes».
Autre particularité, les militant-es arrêté-es mardi sont isolé-es des autres détenu-es, et on leur refuse l’accès à l’endroit où pour faire du sport. En traitant ainsi des ressortissants européens, vivant en Grèce parfois depuis des années, uniquement pour leur engagement politique, il s’agit de faire des exemples.
Cette affaire, inquiétante, révèle le durcissement répressif à l’échelle européenne à l’égard des luttes internationalistes. «C’est la première fois que ça arrive, les avocats étaient choqués. On a 6 avocats derrière nous qui se battent. Ils vont faire appel de la détention et contre la déportation. On est détenus sans charge» nous dit N.
Le gouvernement grec met aussi en application de façon spectaculaire une nouvelle loi, qui permet à la police grecque d’entrer dans les universités. Elle avait été fortement combattue par les étudiants depuis deux ans.
C’est aussi une attaque de plus contre le droit des étrangers. Un communiqué de soutien rédigé après les arrestations explique que «les migrants et les sans-papiers qui exercent leur droit à la liberté d’expression en étant politiquement actifs courent désormais un risque accru d’expulsion et de poursuites judiciaires violentes». N. nous dit : «On va se battre pour éviter qu’ils puissent arrêter n’importe quel migrant. On pense aux répercussions sur les étrangers non européens». Cette vague d’arrestations en vue d’une expulsion est une intimidation contre toutes les personnes étrangères engagées politiquement en Grèce.
Enfin, cette escalade répressive montre qu’en Grèce comme en France et ailleurs, une véritable chasse aux sorcières s’exerce contre les personnes qui dénoncent le génocide du peuple palestinien.
Pour N. et ses codétenu-es, il est essentiel que son histoire traverse les frontières, d’abord pour éviter son expulsion scandaleuse, mais aussi la criminalisation des solidarités internationales, qui menace la possibilité même de lutter ailleurs que dans son pays. Une mesure que rêvent d’imposer les États européens. La France avait notamment placé des ressortissants allemands en rétention avant de les expulser lors du G7 de Biarritz en 2019.