Le Bangladesh est un petit pays situé à l’Est de l’Inde, l’un des plus densément peuplé du monde avec plus de 160 millions d’habitants. L’un des plus pauvres aussi. Il est régulièrement secoué par des vagues de révolte sociale. Explications :
Depuis trois semaines, un mouvement insurrectionnel monte au Bangladesh. La mobilisation est partie des universités, notamment les étudiants de la capitale, Dacca, contre un système de quota injuste. L’État réserve 30% des places à l’université aux «descendants de combattants» et moins de la moitié en fonction du mérite. Dans un pays autoritaire et largement corrompu, il s’agit pour le régime de consolider son pouvoir en place, en réservant les places aux enfants des soutiens du parti au pouvoir au détriment des autres.
Ce système est dénoncé depuis des années. En 2018, suite à un grand mouvement de protestation, la mesure avait été suspendue, mais elle vient d’être rétablie après une décision de justice. Ce qui a réveillé la colère de la jeunesse.
Pour ne rien arranger, la Première ministre Sheikh Hasina a injurié les manifestants – traités de «traitres» à la nation – et a déployé une répression féroce. Les forces de l’ordre ont tiré des grenades et des balles en caoutchouc, passé à tabac les étudiants désarmés, et même tiré à balles réelles.
Des centaines d’étudiants ont été blessés et plus de 115 ont été tués par la police. Des journalistes ont également été touchés et un lycéen mineur a été abattu. Une vidéo montre l’un des leader du mouvement, bras en l’air face aux policiers, recevoir un tir. Il est mort peu après. Une autre montre le véhicule d’une unité de police écrasant la foule. Le régime a aussi coupé internet, décrété un couvre-feu et envoyé l’armée dans les rues.
Les manifestations du Bangladesh ont ainsi pris une ampleur insurrectionnelle et ont largement dépassé les sphères étudiantes. Des habitants de Dacca ont rejoint la contestation, des commissariats et des casernes ont été incendiés, ainsi que le siège d’une chaine de télévision et de ministères. Vendredi, une prison où étaient enfermés de nombreux ouvriers arrêtés lors d’une grève menée l’automne dernier ainsi que des opposants aux régime a été attaquée par 12.000 émeutiers. 826 prisonniers auraient réussi à s’enfuir de la prison.
Le mouvement étudiant a ravivé une colère qui couve au Bangladesh depuis des années. En octobre 2022, une grève générale victorieuse de 150.000 ouvrières réduites en esclavage dans les plantation de thé avait été suivie par un mouvement massif en 2023 contre la hausse des prix. Cette lame de fond a débouché sur un vaste mouvement politique contre le durcissement du régime, de plus en plus autoritaire. En janvier dernier un boycott massif a été lancé contre les élections, considérées comme truquées, et s’est traduit par une participation de seulement 26% de l’électorat. Dans certaines villes moyennes, il n’y a pas eu un seul électeur.
Rappelons que le Bangladesh est mondialement connu pour les conditions effroyables de son industrie textile. En 2013 une usine s’était effondrée à Dacca. Alors que le bâtiment était fissuré et avait été évacué, les patrons avaient obligé les ouvrières – il s’agit majoritairement de femmes – à aller travailler quand même, et les issues de secours étaient pour la plupart fermées. Bilan : 1127 morts et environ 2500 rescapés. L’une des plus grandes catastrophes industrielles de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui encore, le pays fabrique, avec des ouvrière en condition de quasi-esclavage, des vêtement exportés vers l’Occident qui inondent nos enseignes de prêt-à-porter.
La dirigeante du Bangladesh, Sheikh Hasina, se maintient au pouvoir depuis quatre mandats consécutifs, et elle est de plus en plus critiquée pour son autoritarisme et sa corruption. Avec la répression sanguinaire en cours, un palier supplémentaire est franchi.
Pourtant, en septembre 2023, Macron lui rendait visite pour «ouvrir une nouvelle page» dans la relation entre la France et le Bangladesh qui «retrouve progressivement sa place sur la scène internationale» déclarait le président. Macron saluait alors la «formidable réussite » du pays», affirmait qu’elle était «fondée sur les principes démocratiques et l’État de droit» et que «la France sera à nouveau à vos côtés». Sheikh Hasina, celle qui tire sur son peuple, avait répondu à Macron : «Vous apportez un bol d’air frais aux relations internationales».
3 réflexions au sujet de « Insurrection en cours au Bangladesh »
L’Histoire est remplie de dirigeants qui tuent pour ” des raisons d’état” et de dirigeants tués pour “déraison d’état”… et c’est souvent les mêmes.