Insolite : comment BFM se fout de la gueule de ses téléspectateurs


Un énième sondage visant à nier le résultat des élections législatives de juillet a été diffusé par BFM ce mercredi 28 août.


Deux titres de BFM mis en parallèle : «Nouveau Premier ministre : 4 Français sur 10 souhaitent voir Attal à Matignon» et «Pour 58% des Français, Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon».

La chaîne titre : «Nouveau Premier ministre : 4 Français sur 10 souhaitent voir Attal à Matignon». Notez la tournure de la phrase : le résultat n’est pas exprimé en pourcentage, mais «sur 10», ce qui simplifie et renforce le résultat. Ceux qui rejettent Attal ne sont pas évoqués. Au contraire, BFM insiste : «C’est son nom qui revient le plus pour Matignon». Autrement dit, Macron a raison de maintenir tel quel son gouvernement sans tenir compte de l’élection qu’il a provoquée.

Au milieu de l’été, BFM publiait un autre sondage, avec le titre : «Pour 58% des Français, Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon». Ici, c’était exprimé en pourcentage et, surtout, BFM mettait en avant ceux qui rejettent la personnalité désignée par le Front Populaire plutôt que ceux qui la soutiennent. Comprendre : les français rejettent une Première Ministre de gauche, Macron a raison de ne pas tenir compte de l’élection qu’il a provoquée.

Pourtant, quand on lit ces sondages dans le détail, le résultat est rigoureusement identique au pourcent près. 41% des sondés se disaient favorable à Castets fin juillet. 41% ont répondu qu’Attal devrait être maintenu fin août. Un même résultat, deux façons diamétralement opposées de les présenter. C’est ce qui s’appelle de la manipulation caractérisée.

BFM est coutumière de ces pratiques. Au printemps 2024, la chaîne expliquait dans un de ses sujets : «Alors que le gouvernement prépare une nouvelle réforme de l’assurance chômage, 32% des Français estiment qu’il faudrait tailler dans les allocations des chômeurs pour baisser les dépenses publiques», sur la base d’un sondage de l’institut Elabe.

En regardant de plus près, la question posée aux sondés était «Par quels moyens faudrait-il réduire la dette publique française ?», et leur proposait trois choix. La proposition qui était arrivée en tête ne concernait pas le chômage mais les aides aux patrons. En numéro 1 : 36% des français voulaient «baisser les dépenses sur les aides aux entreprises». Mais ça, BFM ne l’a même pas mentionné, préférant une réponse moins populaire mais qui convenait mieux à son idéologie.

En février 2023, BFM toujours, avec le même institut de sondage, estimait que «72 % des français» pensaient que la réforme des retraites va être «votée et appliquée». Une enquête qui ne veut rien dire, sinon que la majorité des gens ont compris que Macron était un autocrate autoritaire qui gouverne sans tenir compte de l’avis de la population, puisque la mobilisation était massive et le rejet ultra-majoritaire.

La chaîne utilisait ces chiffres pour parler de «résignation» et instiller l’idée que «les mobilisations ne servent à rien». C’est un procédé d’endoctrinement classique pour soumettre quelqu’un. Si vous répétez sans cesse à une personne qu’elle ne peut rien changer à sa condition, que quoi qu’on fasse il est impossible d’améliorer les choses, l’esprit humain finit par abandonner toute idée de résistance et d’action.

Qui concocte ces sondages ? Bernard Sananès, un communiquant à la tête de l’institut Elabe. Quasiment toutes les semaines, il intervient en plateau pour «analyser» l’actualité. Boite de conseil et de sondage, Elabe est basée dans la ville cossue de Levallois. Le siège, composé «d’open spaces et bureaux vitrés» avec «une vue sur la tour Eiffel» a été créé en 2015, écrit le journal patronal Les Échos. La boite «qui ressemble à uns start up» selon le même journal, est donc dirigée par un certain Bernard Sananès. Le cinquantenaire est un de ces courtisans qui peuplent les couloirs du pouvoir, toujours au service des puissants, patrons milliardaires ou élus réacs.

«De Vincent Bolloré à Stéphane Fouks en passant par Xavier Bertrand ou Manuel Valls, son président connaît le Tout-Paris depuis de longues, très longues années» écrivait le journal Les Échos. Et son ami d’enfance, Olivier Pardo, n’est autre que l’avocat d’Eric Zemmour.

Bernard Sananès était macroniste avant Macron : il est responsable de la communication du groupe parlementaire centriste dès les années 1980, puis directeur chez Euro RSCG, entreprise devenue Havas : l’une des plus grandes boites de marketing et de communication du monde, possédée par Bolloré. Bernard y vend ses conseils à EDF, Veolia, Orange, McDonald’s, la RATP ou la SNCF, mais aussi aux personnalités politiques comme Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand.

Public, privé, publicité et politique, aucune frontière dans ce petit monde. Sananès dirigera l’institut de sondage CSA, lui aussi possédé par Bolloré, avant de fonder son institut Elabe, partenaire de BFM. Il a aussi reçu l’ordre national du Mérite créé par la République pour «récompenser les mérites distingués, militaires ou civils, rendus à la nation française».


Des sondages frelatés, eux-même présentés sous un angle systématiquement biaisé voire clairement mensonger : c’est la République des lobbyistes, des faiseurs d’opinion et des médias des milliardaires, celle qui fabrique la résignation, installe la défaite dans les esprits, et prépare au pire.


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