Ces dernières semaines le gouvernement a démontré son incompétence criminelle à gérer la catastrophe à Mayotte, dont il est pourtant largement responsable après des décennies d’abandon total. De nouvelles étapes dans l’ignominie ont été franchies ces derniers jours.

Limitation des plaques en tôle sur une île couverte de bidonvilles
40% des habitations mahoraises étaient faites de tôle, mais le gouvernement veut en réguler la vente. La préfecture a en effet promulgué un arrêté limitant la vente de tôle aux professionnels et “aux particuliers réparant leur domicile sur présentation d’un justificatif d’identité et d’un justificatif de domicile”. Cette mesure indécente va laisser à la rue des milliers de personnes dont l’habitat a été détruit par le cyclone Chido, et qui seront donc dans l’incapacité de reconstruire leur habitat déjà précaire. Mayotte subit l’une des pires crises humanitaires de son histoire depuis qu’un cyclone exceptionnellement violent a frappé l’île mi-décembre. Moins d’un mois après la catastrophe, le nombre de morts reste inconnu.
Des centaines de milliers d’habitant-es manquent de tout, et en particulier d’eau potable. Des épidémies sont en train de se répandre, selon les services de secours. Mais la priorité de l’État, c’est d’empêcher les gens de reconstruire des logements de fortune, après leur avoir imposé un couvre-feu absurde pour des gens qui n’ont nulle part où aller.
Incapacité à ravitailler les habitant-es de Mayotte
L’État français est manifestement défaillant face à cette crise : il a distribué des kits de survie composés d’une bouteille d’eau et d’une boite de thon. L’État a également refusé l’aide humanitaire pourtant proposé par les Comores, comme le confirmait Houmed Msaidie, conseiller du chef de l’État comorien. L’artiste Sally révélait sur son compte Instagram des témoignages sidérants de Mahorais et Mahoraises révélant que l’État français avait procédé à l’évacuation de métropolitain-es, laissant les autres habitant-es se débrouiller.
Racisme d’État, hiérarchisation de la vie humaine avez-vous dit ? Certain-es personnes sans papier n’osent pas descendre des collines chercher de l’aide de peur d’être expulsées. “Il y a des gens qui au lieu de mourir du cyclone vont mourir de faim” expliquait l’un des témoignages.
Elon Musk appelé à la rescousse
«Nous allons déployer 200 Starlink pour assurer les télécommunications en urgence» : voilà l’annonce de François Bayrou, tout fier, lors de son déplacement sur l’île le 30 décembre. Appeler la firme du milliardaire d’extrême droite Elon Musk, le même qui fait actuellement campagne pour installer des régimes néofascistes partout en Europe, en voilà une bonne idée…
Analysons d’abord la phrase du Premier Ministre, où à peu près tout est faux. «Nous allons déployer» dit Bayrou. Non : ce n’est pas «nous», mais un richissime homme d’affaire proche de Trump qui va prêter ses satellites, contre de l’argent. L’État français choisit de payer un prestataire privé, et pas n’importe lequel. «En urgence» dit Bayrou : non, le cyclone a frappé l’île deux semaines plus tôt, et le gouvernement a mis un temps fou à réagir. C’est tout sauf une réponse rapide, c’est de la communication de crise.
Au delà des effets de manche, cela veut dire qu’une grande puissance économique comme la France est incapable de rétablir internet sur une île qui ne mesure que 39 km de long sur 22 de large, et ne parvient pas à réparer les lignes téléphoniques sur son propre territoire. Ce recours à Starlink en dit long sur l’incurie de l’État français dans ses colonies.
Encore plus fort, François Bayrou a réussi à se mettre à dos l’entreprise Orange. Alors que la firme française des télécommunication déploie ses techniciens depuis le début de la catastrophe pour réparer les lignes endommagées, le gouvernement fait appel à une entreprise étrangère sans même la prévenir. «Pas un mot pour les opérateurs et surtout pour leurs collaborateurs sur place» s’est énervé le directeur des affaires publiques d’Orange sur Twitter.
Le jour même, le groupe de télécom annonçait avoir reconnecté 78% de ses abonnés mobile à Mayotte. SFR et Free sont revenus quant à eux à 85% de couverture. “Ces décisions interrogent quant à leur pertinence dans la poursuite du rétablissement des réseaux. Elles interrogent sur leur rationalité économique et laissent pantois sur le terrain de la souveraineté numérique” explique Orange. En effet.
Toute cette farce montre que la France délègue à des multinationales étrangères la gestion de ses services publics. Savez-vous par exemple qu’EDF a confié dès 2014 le contrôle des données de maintenance de ses centrales nucléaires à Amazon ? Que la droite n’ose plus jamais brandir une prétendue «souveraineté».
Mépris généralisé
Dès le 16 décembre, le premier ministre Bayrou avait préféré se rendre au conseil municipal de Pau pour assurer ses arrières, que de se rendre à Mayotte. Le premier tweet de Retailleau avait réussi le tour de force de renverser la responsabilité sur l’immigration : “On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire”.
Macron, le 19 décembre, débarquait en jet sur l’île dévastée pour injurier les habitant-es en détresse : «Si ce n’était pas la France, vous seriez 10.000 fois plus dans la merde !» avait-il osé asséner. Lundi 30 décembre Élisabeth Borne affichait son mépris total envers deux enseignants : les deux hommes, qui aident sur leurs fonds propres les mahorais sinistrés en leur distribuant des denrées, ont essayé de tirer la sonnette d’alarme sur l’abandon total de l’État et les problèmes d’acheminement de nourriture : “Ce que chacun doit savoir, c’est que là, depuis quinze jours, dans tous les bidonvilles ici, Petite-Terre, Grande-Terre, Kawéni, Cavani, personne n’est venu, personne. Vous pouvez dire ce que vous voulez aux informations, la réalité elle est là”. La réaction de Borne ? Répondre froidement «OK» avant de tourner brusquement le dos à ces enseignants, devant les caméras de télévision.
Le lendemain, alors que Bayrou évoquait en direct à la télévision le nombre de mort-es, Élisabeth Borne apparaissait morte de rire derrière un François Bayrou en sueur.
Droit du sol et obsessions racistes
Bruno Retailleau, Manuel Valls et Sébastien Lecornu se sont jetés sur l’occasion pour remettre une pièce dans la machine de leur rhétorique raciste, en publiant une tribune parue le 5 janvier dans Le Figaro appelant à l’abrogation du droit du sol. Mesure vivement défendue par le RN depuis des années, bien entendu, et applaudie des deux mains par Gérald Darmanin. Marine Le Pen est de son côté arrivée en terrain conquis, se présentant en sauveuse des Mahoraises et Mahorais, « abandonnés par l’État ». Encore une fois, le fascisme sait surfer sur la vague des ressentiments. À force d’entendre sur tous les bords de l’échiquier politique que tous les problèmes viennent de l’immigration illégale, ils ont fini par y croire.
Le gouvernement s’est donc réveillé 15 jours après le cyclone pour minimiser le nombre de victimes, pour contester la réalité vécue sur le terrain, humilier des enseignants qui s’inquiètent pour leurs élèves et faire un cadeau à Elon Musk, avant de parler de supprimer le droit du sol. L’indécence de ces gens ne connaît pas de limite.
« L’homme privilégié soit politiquement soit économiquement est un homme intellectuellement et moralement dépravé » disait Bakounine dans le livre Dieu et l’État. La preuve en est à Mayotte.
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Une réflexion au sujet de « Mayotte : des nouvelles de la gestion néocoloniale de la catastrophe »
L’ État Français ne pense qu’au fric, à l’armée, au flic et au contrôle, le social et l’ environnement dépasse les compétences de cette bourgeoisie assassine étatique et patronale