Funérailles massives et révolutionnaires à Paris pour Louise Michel, infatigable combattante anarchiste.

« Je ne vois que la révolution. C’est elle que je servirai toujours. C’est elle que je salue. Puisse-t-elle se lever sur des hommes au lieu de se lever sur des ruines ».
En ces jours sombres où l’internationale fasciste étend son ombre, il est bon de découvrir ou redécouvrir les figures de celles et ceux qui ont dédié leur vie au combat pour la liberté de toutes et tous. Louise Michel était de ceux-là.
Nous sommes le 22 janvier 1905, des centaines de milliers de personnes se rassemblent pour suivre le cortège funéraire de la « Vierge rouge ». Dans ce cortège ne flottent que des drapeaux rouges, pas un seul drapeau noir pour celle qui l’avait pourtant porté pour la première fois lors de la manifestation des sans travail de mars 1883. « Plus de drapeau rouge, mouillé du sang de nos soldats. J’arborerai le drapeau noir, portant le deuil de nos morts et de nos illusions » déclarait-elle.
Lors d’un procès, elle expliquait : «Monsieur l’avocat général, vous trouvez étrange qu’une femme ose prendre la défense du drapeau noir. Pourquoi avons-nous abrité la manifestation sous le drapeau noir ? Parce que ce drapeau est le drapeau des grèves et qu’il indique que l’ouvrier n’a pas de pain». Mais le drapeau noir est interdit depuis la Commune de Paris, cette Commune qu’elle avait défendue l’arme à la main.
Un formidable dispositif policier est prévu pour l’événement. Le préfet de police, le funeste Louis Lépine, craint des débordements. Il tente de s’incruster à l’arrière du cortège et se retrouve chassé sans ménagement du cortège par les manifestants et les manifestantes. Après 9h de marche entre gare de Lyon et Levallois-Perret, Louise est enterrée aux côtés de sa mère et de Théophile Ferré, son compagnon d’armes, assassiné par les Versaillais en 1871.
Louise Michel naît en 1830, l’année des Trois Glorieuses. Sa mère, Marianne, est servante au château de Vroncourt en Haute-Marne, où vit une famille bourgeoise. La jeune Louise y recevra une éducation libérale, lisant Voltaire, Rousseau, et développant un esprit critique aigu. Dans ses mémoires, elle dévoile sa précoce révolte contre toutes les formes d’injustice.
Refusant de se marier, elle veut subvenir par elle-même à ses besoins. Devenue institutrice en 1852, elle enseigne uniquement dans des écoles libres : elle refuse de prêter serment à l’Empereur. Elle est une institutrice militante, conçoit l’éducation comme un puissant moyen d’émancipation de toutes et tous. Pour elle, «la tâche des instituteurs, ces obscurs soldats de la civilisation, est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter». La messe est dite.
Elle commence une correspondance avec Victor Hugo, correspondance qui durera jusqu’à la mort de ce dernier. Arrivée à Paris, elle se rallie aux blanquistes – les partisans d’Auguste Blanqui, révolutionnaire insurrectionnaliste qui a passé la moitié de sa vie en prison – et publie ses premiers écrits féministes dès 1861. Elle fonde en 1867 la « société des équitables de Paris » pour lutter concrètement contre la misère.
Le 12 janvier 1870, c’est habillée en homme, un poignard caché sous ses habits, qu’elle assiste aux funérailles du journaliste Victor Noir, assassiné par Pierre Bonaparte, cousin de l’empereur. Un crime qui suscite l’indignation et annonce la fin de Second Empire. La même année elle effectue son premier séjour en prison pour participation à une manifestation féministe.
Lorsque la Commune est proclamée le 28 mars 1871, Louise y prend une part active, présidant le Comité de vigilance des citoyennes de Montmartre. Elle est volontaire pour éliminer Adolphe Thiers et veut marcher sur l’Assemblée. Louise a la Révolution chevillée au corps. Elle s’engage comme garde dans le 61e bataillon de la butte, et fait le coup de feu sur les barricades lors de la Semaine sanglante. Elle survit au massacre, mais se rend pour sauver sa mère emprisonnée.
Elle utilise son procès comme une tribune politique, affirmant sa participation en tant que combattante : « Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue ; j’appartiens tout entière à la révolution sociale, et je déclare accepter la responsabilité de tous mes actes. Je l’accepte tout entière et sans restriction ». « Puisqu’il me semble que tout cœur qui bat pour la révolution n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance ». Son procès a un écho retentissant, Victor Hugo écrit pour elle le poème Viro Major, « plus grande qu’un homme ».
Elle finit par être déportée en Nouvelle-Calédonie, où elle passe 7 ans. Mais même à l’autre bout du monde, elle ne perd rien de son engagement. Elle reprend son métier d’institutrice auprès des Kanak et soutient leur révolte décoloniale. Elle découvre les théories de Bakounine et Kropotkine et se déclare anarchiste.
Après l’amnistie générale, elle rentre en France où elle reprend son combat pour la Révolution sociale et l’anarchie. Le 9 mars 1883, elle est à la tête d’une manifestation de chômeurs et chômeuse avec l’anarchiste Émile Pouget, manifestation pour laquelle elle sera de nouveau incarcérée. Elle passe les années suivantes à alterner entre séjours en prison et militantisme actif, avant de s’exiler à Londres.
Combattante féministe, elle considère le mariage et la maternité comme une forme d’esclavage, elle prône la grève féministe pour gagner la liberté. Le 22 janvier 1888, lors d’une conférence au Havre, un individu tire deux coups de révolver sur elle. Blessée d’une balle à la tête, elle fera pourtant tout pour obtenir la grâce de son agresseur. Elle meurt à Marseille le 9 janvier 1905, pendant une tournée de meetings. La lutte jusqu’à son dernier souffle.
Les médiocres opportunistes d’aujourd’hui tentent de récupérer le combat de Louise Michel. Emmanuel Macron en mars 2024 l’incluait dans une liste de 10 femmes à qui rendre hommage. Les larbins du pouvoir avaient également eu l’audace de la faire représenter lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. Louise Michel aurait été fichée S, elle aurait sûrement été volontaire pour aller chercher Macron à l’Élysée, comme elle voulait aller chercher Adolphe Thiers en son temps.
Rappelons à ce triste sire jupitérien ce que lui aurait répondu Louise Michel : « le pouvoir est maudit », « L’autorité d’un seul, c’est un crime ».
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2 réflexions au sujet de « 22 Janvier 1905 : des centaines de milliers de personnes rendent un dernier hommage à Louise Michel »
» Je suis ambitieuse pour l’humanité, moi je voudrais que tout le monde fût artiste, assez poète pour que la vanité humaine disparut
Louise Michel
Louise Michel, la revolutionnaire la plus chère à mon cœur,