« Nazi sans prépuce » ? Inversion des valeurs en phase terminale

Ce 27 janvier 2025 est le jour d’une terrible commémoration. Il y a 80 ans exactement, le complexe concentrationnaire et génocidaire d’Auschwitz, situé en Pologne, était libéré par l’Armée rouge. Plus de 1,1 million de Juifs, Polonais, Tziganes et autres y ont été assassinés par le régime nazi.
Cette commémoration a lieu dans une ambiance très particulière, puisque ni le président russe – responsable de la guerre en Ukraine – ni le Premier Ministre israélien – visé par un mandat d’arrêt international pour crimes contre l’humanité – n’étaient présents. Ce dernier a fait savoir qu’il ne se rendrait pas à la cérémonie, puisqu’il était «occupé à libérer les otages» à Gaza.
Néanmoins, cette date doit permettre d’évoquer un phénomène extrêmement grave et trop rarement soulevé : le révisionnisme voire le négationnisme de la Shoah propagé par les autorités israéliennes elles-mêmes.
Imaginez que n’importe quel haut responsable politique ait apporté son soutien total au salut nazi d’Elon Musk et affirmé qu’Hitler ne voulait pas tuer de juifs. Cela aurait légitimement provoqué un tollé absolu. Même Jean-Marie Le Pen n’avait jamais osé aller aussi loin en public. C’est pourtant la ligne politique défendue par le dirigeant israélien.
Le 23 janvier 2025, après le salut nazi du milliardaire propriétaire de Tesla lors de l’investiture de Trump, Netanyahou avait écrit sur le réseau X : «Elon Musk est faussement diffamé. Elon Musk, c’est un grand ami d’Israël. […] il a soutenu à plusieurs reprises et avec force le droit d’Israël à se défendre contre les terroristes génocidaires et les régimes qui cherchent à anéantir le seul et unique État juif. Je le remercie pour cela».
Netanyahou est un homme prodigieux : il voit des antisémites absolument partout, sauf là où il y en a. Rappelons qu’il a traité le pape, l’ONU et quiconque soutenait le peuple de Gaza bombardé d’antisémite. Mais pas Elon Musk, fervent soutien du parti d’extrême droite allemand AfD, habitué des déclarations ouvertement antisémites et ayant permis la réouverture de centaines de comptes d’influenceurs néo-nazis. Soit dit en passant, le fait que quelqu’un considéré comme un «grand ami d’Israël» fasse des saluts nazis devrait sérieusement interroger tout le monde sur ce qu’est devenu ce pays sur le plan politique.
Pour enfoncer le clou, Elon Musk tweetait dans la foulée : «Don’t say Hess to Nazi accusations ! Some people will Goebbels anything down! Stop Gőring your enemies ! His pronouns would’ve been He/Himmler! Bet you did nazi that coming».
Un jeu de mot plus que douteux sur « Hess » – Rudolf Hess était le bras droit d’Hitler – qui sonne comme « yes » ; « Goebbels » – directeur de la propagande nazie et antisémite fanatique –, évoquant le terme anglais « gobble » (gober) ; « Göring » – ministre du Reich –, rappelant « gore » (éventrer/harceler) ; « He/Himmler » – chef de la SS et organisateur de la Shoah –, détournant les pronoms « he/him » (il/lui) ; et enfin « nazi », qui ressemble à « not see » (ne pas voir). Désopilant.
Netanyahou n’en est pas à son coup d’essai. En 2015, il déclarait déjà que «Hitler ne souhaitait pas exterminer les juifs», affirmant que les palestiniens seraient les vrais responsables de la Shoah. C’est évidemment complètement faux. Hitler, obsédé par la hiérarchie raciale, puisait son programme dans l’antisémitisme européen et avait annoncé ses projets exterminateurs bien avant la guerre. Mais en mentant ainsi, l’extrême droite israélienne déresponsabilise l’extrême droite européenne, elle l’absout de ses crimes.
En disant cela, Netanyahou allait déjà plus loin que les néo-nazis européens dans la négation de ce qu’était la Shoah.
Dans la même logique, un élément de langage récurrent vise à affirmer que le peuple de Gaza serait plus dangereux pour les juifs que l’Allemagne nazie. Prenons Raphaël Morav, ambassadeur d’Israël, le 29 octobre 2023 sur la chaîne d’extrême droite Cnews à propos du 7 octobre : «Cette violence est d’une cruauté que nous n’avons pas vu même pendant la Seconde Guerre mondiale».
Si les nazis sont «moins pires» qu’un peuple colonisé qui se fait écraser à chaque nouveau conflit, alors finalement, les nazis n’étaient pas si méchants.
Et le nazisme étant le curseur ultime de la barbarie, il serait donc légitime de bombarder massivement Gaza, comme l’ont été les villes allemandes à la fin de la guerre. Mais qu’y a-t-il de commun avec une population colonisée depuis 75 ans, sans État, sans armée, sans soutiens diplomatiques ni véritables moyens militaires ? Rien. Ni sur le fond, ni sur la forme.
Ces propos portent un nom : c’est du révisionnisme. Cela banalise ce qu’a été le nazisme, la Shoah et le système concentrationnaire. Ce discours vient relégitimer l’extrême droite la plus radicale, qui ne s’y trompe d’ailleurs pas. Le RN, fondé par des Vichystes, fait corps derrière Israël. Comme Zemmour qui a réhabilité Pétain tout en soutenant Netanyahou. Ce révisionnisme symbolise l’union sacrée des fascismes européens et israéliens. Finalement, l’expression « nazi sans prépuce » utilisée par l’humoriste Guillaume Meurice n’est pas si éloignée de la réalité.
Ces accointances puisent dans une histoire longue. Menahem Begin, un des pionniers du sionisme d’extrême droite dans les années 1940, dont le mouvement est à l’origine du Likoud, le parti de Netanyahou, était membre du Betar, un mouvement paramilitaire inspiré par les fascistes européens. Ses idées racistes anti-arabes s’opposaient à tout compromis, considérant la Palestine comme un territoire exclusivement juif.
Dès 1948, certains fondateurs d’Israël étaient d’ailleurs déjà dénoncés, non seulement comme étant des criminels de guerre, mais aussi comme des fascistes par de grands intellectuels juifs. Un mot lourd de sens, à la sortie immédiate de la Seconde Guerre mondiale, de la part d’une génération qui connaissait dans sa chair le sens de cette barbarie.
Dans une tribune publiée dans le New York Times à la fin de l’année 1948, de grandes figures scientifiques et intellectuelles protestaient contre la venue de Menahem Begin aux USA. Parmi les signataires, on trouvait Albert Einstein et Hannah Arendt.
Tout semblait déjà dénoncé clairement dans cette tribune : les idées et les méthodes d’extrême droite, le «mysticisme religieux» et le «suprémacisme racial» de ce courant fondateur, qui s’est imposé à la tête d’Israël par la suite. Les mots signés par les plus grands intellectuels de l’époque évoquent par exemple «un parti politique dont l’organisation, les méthodes, la philosophie politique et l’appel social sont très proches de ceux des partis nazi et fasciste» et «une organisation terroriste d’extrême droite et nationaliste en Palestine».
77 ans plus tard, l’histoire leur donne raison.
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