Allemagne : pour la première fois depuis 1945, la droite parlementaire s’allie aux néo-nazis


C’est un coup de tonnerre politique qui a eu lieu en Allemagne mercredi 29 janvier.


C'est un coup de tonnerre politique qui a eu lieu en Allemagne mercredi 29 janvier.

Au Parlement, la CDU, le grand parti de droite, et le parti libéral FDP – équivalent des macronistes – se sont alliés avec l’extrême droite, l’AfD, pour faire passer une motion visant à durcir la politique migratoire. Et tout cela le jour même où le Bundestag commémorait les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz et la mémoire des victimes du IIIe Reich.

Outre-Rhin, le cordon sanitaire était une règle stricte depuis la chute du nazisme : il était impensable de s’allier avec l’extrême droite. Il y avait encore un consensus assez général, y compris à droite, pour rejeter le fascisme et ses héritiers politiques. C’est terminé. Pour la première fois depuis 1945, la droite parlementaire vote avec les néo-nazis.

Au Parlement allemand, les députés d’extrême droite ont accueilli le résultat du vote par un tonnerre d’applaudissements. L’un d’eux a déclaré : «C’est vraiment un moment historique […] Une nouvelle ère commence ici et maintenant et cette ère sera menée par l’AfD».

Angela Merkel, ancienne chancelière de droite et retirée de la vie politique, est sortie de son silence pour dénoncer cette alliance. Elle a rappelé au président de son parti qu’il avait lui-même proposé un pacte pour éviter toute coalition avec l’AfD. La promesse est déjà enterrée, avant même les prochaines élections qui sont programmée le 23 février prochain. En effet, ce vote commun ouvre la voie à des accords de gouvernement à l’avenir.

Et tout cela alors que l’AfD s’envole dans les sondages, avec plus de 20% des intentions de vote, en deuxième position derrière la CDU, créditée de 29% des voix. La droite et l’extrême droite seraient donc désormais majoritaires en Allemagne. Ici encore, c’est la fin d’une époque d’alternance entre le centre-gauche et le centre-droit. Les groupes issus du néo-nazisme étaient quasiment inexistants dans le pays depuis 1945, ils sont à présent la deuxième force politique du pays.

L’AfD est un parti qui ne prend même pas la peine de faire semblant et ne joue pas la carte de la dédiabolisation. Ses représentants avaient rencontré en 2023 d’autres groupes néo-nazis pour discuter de la possibilité d’expulser d’Allemagne des millions de personnes. Cette conférence avait eu lieu à Wannsee, une commune au sud de Berlin très symbolique : c’est là que les nazis avaient élaboré la solution finale.

La devise des SA était «Alles für Deutschland», l’un des slogans de l’AfD est «Alice für Deutschland», Alice Weidel étant la cheffe du pari. Un responsable de l’AfD avait jugé, début 2024, que tous les SS «n’étaient pas des criminels». L’une des affiches de campagne du parti comporte le slogan «Nous protégeons nos enfants», et montre une famille blonde aux yeux bleus, avec les deux parents bras tendu, comme un salut nazi, se rejoignant pour former un toit au dessus de leur progéniture.

Sur Twitter, l’un des candidats de l’AfD a même publié sa photo en train de saluer la foule, avec la légende «Sieg». En commentaire, ses supporters complétaient évidemment par «Heil» – «Sieg Heil» étant le salut nazi. Dernièrement, l’AfD a glissé dans la boite aux lettres d’habitant-es d’origine étrangère des imitations parfaites de billets d’avion pour un voyage sans retour.

À trois semaines des élections, le Parti Socialiste allemand (SPD), qui avait été le premier d’Europe a se convertir au néolibéralisme, n’est plus qu’à 15% des intentions de vote, suivi par les Verts et la gauche radicale (Die Linke). Celle-ci était en pleine ascension il y a quinze ans, et a quasiment disparu aujourd’hui, avec 5% des intentions de vote.

Autre spécificité allemande, un nouveau parti étrange nommé Alliance Sahra Wagenknecht – du nom de sa candidate – cumulerait 6% des voix aux prochaines élections, et a déjà dépassé les 15% en Allemagne de l’Est dans de récents scrutins. Il s’agit d’une dissidence de la gauche : un parti avec un vrai programme social, mais aussi des positions xénophobes. Une sorte de Fabien Roussel version allemande, mais encore plus confus. Rien de très reluisant.

Pour ne rien arranger l’Allemagne, qui avait été globalement démilitarisée depuis la seconde guerre mondiale, a débloqué un «fonds spécial» de 100 milliards d’euros pour l’armée depuis 2022. Le chancelier Olaf Scholz avait annoncé un «Zeitenwende» – «changement d’époque» – en matière de défense. Quand l’Allemagne se réarme massivement et vote pour l’extrême droite, c’est généralement un mauvais présage.

Face à cette situation alarmante, Albrecht Weinberg, rescapé du nazisme âgé de presque 100 ans, déclare : «Je crains que l’histoire ne se répète». Cet allemand a l’intention de rendre sa décoration de l’Ordre du mérite, qu’il avait reçue en 2017, pour saluer le fait qu’il se rende régulièrement dans les écoles et lycées pour raconter les persécutions subies sous le IIIe Reich.

Il s’agit de la récompense la plus élevée du pays, à laquelle Albrecht Weinberg renonce suite au vote du 29 janvier. «Ce que j’ai vécu dans ma jeunesse était très dangereux et horrible» a-t-il déclaré. Quarante membres de sa famille avaient été gazés par le régime nazi.

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